BALAFON, INSTRUMENT MANDINGUE, INSTRUMENT DU MONDE

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LE BALAFON, INSTRUMENT MANDINGUE, INSTRUMENT DU MONDE

L’émerveillement était au rendez-vous de cette 5è édition du festival international du balafon, qui s’est terminée le 1er décembre 2017 à l’Institut Goëthe d’Abidjan. La soirée a été l’occasion de démontrer, une fois de plus, la beauté de cet instrument traditionnel africain et son aptitude à jouer toutes les musiques de tous les continents et de toutes les époques. Fabriqué à l’aide de morceaux de bois savamment taillés, le balafon est une sorte de xylophone à cinq ou sept niveaux de sons différents. Longtemps cantonné à la musique traditionnelle mandingue, il se modernise et s’exporte. Après les orchestres Balako et Djarabikan Balafon, le concert s’est terminé en beauté avec la prestation du groupe Ba Banga Nyeck, agrémentée par la voix sublime de Riad Matithia Khalil qui a interprété le célèbre « Malaïka » de Myriam Makeba.

  • Histoire

Le balafon, dont le nom vient de « bala fò » qui signifie en mandingue « jouer le bala », est né au 12è siècle dans le Royaume de Sosso, entre le Mali et la Guinée, à l’époque du légendaire Soudiata Keita. Privé de son destin royal par son jeune frère, Soundiata Keita part en exil avec sa mère, ses deux sœurs et son griot Bala Faseke Kouyaté. En 1235, la célèbre bataille de Kirina permet à Soudiata Keita de battre Soumaoro, roi du Sosso, et d’être proclamé roi de l’empire du Mali. Bala Fasseké récupère le balafon magique de Soumaoro et l’utilise pour chanter les louanges de Soudiata et de l’empire mandingue. Bala Fasséké devient ainsi le premier griot joueur de balafon. Il transmettra ce savoir à toute la lignée des Kouyatés. Aujourd’hui, le balafon se retrouve partout en Afrique Noire.

  • Fabrication

La taille, la forme, le nom, les accords diffèrent, mais le mode de fabrication du balafon est analogue dans tout le continent : des lames de bois posées en travers d’un cadre et que l’on frappe à l’aide de baguettes. Des calebasses, de tailles croissantes, sont placées sous le cadre, formant des caisses de résonnance. Les lames sont fournies par le forgeron, mais c’est le balafoniste qui les accorde et les monte sur l’instrument. Séchées et longuement durcies au feu (jusqu’à deux mois pour les balafons de qualité), elles sont ensuite accordées une à une : pour rendre le son plus grave, on gratte le dessous de la lame, pour le rendre plus aigu, on en gratte les extrémités. C’est pourquoi les lames des notes graves sont plus longues que celles des aiguës. Enfin, on les fixe au cadre à l’aide de cordelettes de cuir. Les calebasses sont choisies, elles aussi, en fonction de leur taille : plus petites pour les aigus, plus grandes pour les graves. Chaque calebasse s’accorde à la lame dont elle sert de résonateur, le volume de la calebasse étant proportionnel à la longueur de la lame correspondante. Un balafon est généralement capable de produire de 18 à 25 notes et comporte donc autant de lames. Un orchestre comprend souvent trois balafons, un grave, un médium et un aigu accompagnés de tambours verticaux (djembé) et de tambour d’aisselle (tama). Aujourd’hui, de plus en plus de balafonistes accordent leurs instruments suivant la gamme occidentale, pour pouvoir jouer avec les autres instruments modernes.

  • Diffusion

Traditionnellement, chez les Malinkés, le balafon est exclusivement joué par les griots, caste de musiciens-conteurs garants de la tradition orale et de l’histoire des grandes familles. La complexité de l’instrument nécessite de nombreuses années d’apprentissage qui se fait, pour la quasi-totalité, au sein des familles de griots. C’est à travers les premiers spectacles des ballets africains de Fodéba Keita et des ensembles instrumentaux nationaux de Guinée et du Mali que l’Occident découvre le balafon malinké dans les années 60. Moins populaire en France que le djembé ou même la kora, le balafon entre progressivement dans de nombreux orchestres. Par la suite, les musiciens réunissent djembés, kora et balafons, et les mêlant aux guitares électriques et aux synthétiseurs, créent un style nouveau fortement emprunté des sources traditionnelles, mais dont l’orchestration en fait une musique résolument moderne. Ainsi popularisé, ce phénomène a permis la diffusion de la culture mandingue hors d’Afrique. Les grands joueurs de balafon ont des noms connus : El Hadj Djeli Sory Kouyaté, Mory Kanté, Adama Condé, Gert Kilian le balafoniste blanc, Seydou Diabaté dit « Kanazoé », Amadou Kienou, Lansiné Diabaté…

  • Le balafon chromatique

Ba Banga Nyeck est un artiste-musicien inventeur du balafon chromatique qu’il fait découvrir au monde entier en allant de festival en festival. Ba Banga Nyeck part du constat que la grande richesse due à la diversité des balafons masque cependant un inconvénient, à savoir la difficulté pour les répertoires des chants créés à l’aide de ces différents balafons à être repris et interprétés ailleurs par d’autres balafonistes. Ce handicap nuit à la diffusion et la pérennisation du balafon. C’est ce qui amène Ba Banga Nyeck à créer le balafon chromatique, modèle reconnu par l’OAPI (Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle). Il s’agit d’un balafon authentique qui obéit à l’échelle des demi tons tempérés chromatiques de sorte que, comme un piano, on dispose des notes naturelles do, ré, mi, fa, sol, la, si, do et de leur altération sur plusieurs octaves. Ce mode d’accordement permet au balafon, à la fois de rencontrer tous les balafons africains et de communiquer avec les instruments du monde entier. Ainsi, avec le son authentique du balafon, il devient possible d’aborder tous les genres de musique du monde. C’est après une tournée musicale aux Etats Unis en 1997, que Nyeck décide de devenir défenseur non plus des claviers et instruments occidentaux, mais des claviers africains. Les balafons traditionnels n’étant pas accordés selon la gamme chromatique standard, il fallait vraiment qu’ils puissent être adaptés. Le lieu de la mutation culturelle et professionnelle de Nyeck sera le village Ki Yi M’bock, centre culturel créé à Abidjan par la femme de lettres et d’arts Were Were Liking Gnepoh. Devenu en 1997 chef d’orchestre et pianiste du Village Ba Banga Nyeck expérimente et améliore le balafon chromatique dont un premier spécimen a été mis au point par Were Were et le pianiste franco-congolais Ray Léma. Le balafon chromatique sera reconnu plus tard par l’OAPI (Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle).

  • Faire communiquer les balafons africains, entre eux et avec le monde

Le balafon chromatique a permis de pérenniser l’usage du balafon et d’aller à l’inverse de la démarche des grands bassistes africains qui ont abandonné les tambours et les balafons africains pour devenir des virtuoses des instruments occidentaux. Aujourd’hui, le Groupe Ba Banga Nyeck promeut la création d’une industrie culturelle autour du balafon pour la fabrication et la commercialisation de balafons traditionnels et chromatiques. Il veut professionnaliser les métiers autour des balafons dans la perspective d’offrir des emplois à la jeunesse. En faisant la synthèse de tous les balafons traditionnels africains, le balafon chromatique de Ba Banga Nyeck s’est engagé dans la promotion et la valorisation du patrimoine africain et le dialogue des différentes traditions musicales du continent. Le calendrier 2017 de Bamba est éloquent : Printemps de poètes au Musée du Quai Branly Jacques-Chrirac à Paris, concert avec Adama Adepoju à l’Institut Français de Ndjamena au Tchad, concert à Carcassone avec Cyril Dupuy, nombreuses masters classes et concerts au Cameroun, tournée à Montpellier et à Sete en duo avec le chanteur Français Sebka, direction artistique et musicale au centre culturel Europe de Colmar dans le Haut Rhin et Colmar Agglomération, concert à Valthorens, cinquième édition du Festival International des Balafons à Abidjan en Côte d’Ivoire, … Partout, le balafon chromatique de Banga Nyeck porte un message portant sur l’essentiel des valeurs humaines : la paix, le respect de la vie, la tolérance, la solidarité, le respect mutuel, … bref l’Amour avec grand « A ». A ceux qui lui demandent s’il arrive à vivre de son art, il répond que la question est mal formulée, car il faudrait plutôt se demander si l’artiste nourrit suffisamment son art. Il ajoute : « lorsque vous vous investissez dans une activité quelle qu’elle soit, avec le sérieux et le temps d’acquérir les compétences requises, il n’y a pas de raisons que cette activité ne vous le rende pas en retour ».

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