JAMES HOURA OU L’INVITATION A CONTEMPLER

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JAMES HOURA OU L’INVITATION A CONTEMPLER

James Houra expose en ce moment (décembre 2017) à la Rotonde des Arts Contemporains du Plateau, à Abidjan. Ses 19 tableaux, tous marqués par le « style damier » qui lui est si particulier, ont pour thème « Un arc-en-ciel dans le temps ». Dans ces peintures, pleines de sensibilité et de réalisme, aux détails subtils et raffinés, James Houra a voulu mettre la femme à l’honneur.

● Kaléidoscope

Né en mars 1952 à Adiaké, docteur en histoire de l’art, ancien directeur de l’école des beaux arts d’Abidjan, James Kadjo Houra est connu pour ses tableaux en damier, qu’il qualifie de « figuratif informel ». En 2004, une de ses peintures, l’Offrande, a remplacé une oeuvre de Bernard Buffet dans la salle des ambassadeurs du Palais Présidentiel d’Abidjan. Présentées dans diverses expositions nationales et internationales, ses œuvres figurent dans de nombreuses collections publiques et privées. Le style de James Houra, reconnaissable entre tous, consiste à fragmenter son espace pictural avec de petites figures géométriques, dans la logique du kaléidoscope. Comme le kaléidoscope, tube de miroirs réfléchissant la lumière à l’infini et en couleurs, le style de James Houra produit d’infinies combinaisons de jolies images. Partant d’un nombre fini d’éléments dans un espace fini, il autorise un nombre indéfini de combinaisons et donne ainsi une illustration à la fois concrète et symbolique, qu’il est possible de créer quelque chose de nouveau par un simple réagencement de ce qui existait auparavant. L’œuvre du peintre réconcilie les termes apparemment opposés de la permanence et du changement, de l’identité et de la différence. A travers ses images, l’artiste démontre que ce ne sont pas les éléments qui font le tout, mais la forme que prend leur combinaison. Le tout n’est donc pas réductible à la somme de ses parties puisqu’à partir d’un nombre fini d’éléments, on peut créer un nombre presque infini de figures différentes.

● Schopenhauer, Proust, Lévi-Strauss

Houra n’est pas le seul à avoir utilisé le principe du kaléidoscope. Schopenhauer s’en est servi pour montrer la forme de métempsychose qui caractérise l’histoire : les plantes, animaux, hommes et peuples meurent et naissent sans cesse, et sous un changement apparemment incessant, ce sont toujours les mêmes figures qui réapparaissent : les individus meurent, l’espèce vit toujours. Marcel Proust a lui aussi utilisé la métaphore du kaléidoscope : « pareille aux kaléidoscopes qui tournent de temps en temps, la société place successivement de façon différente des éléments qu’on avait cru immuables et compose une autre figure ». Claude Lévi-Strauss utilise l’image du kaléidoscope pour décrire par analogie la logique de l’ethnologue : « Cette logique opère un peu à la façon du kaléidoscope : instrument qui contient aussi des bribes et des morceaux, au moyen desquels se réalisent des arrangements structuraux ».

● Fractales

On pourrait aussi rapprocher le style de James Houra des fractales. Venant du mot latin « fractus » qui signifie « brisé », une fractale est une figure morcelée caractérisée par la répétition de la même opération sur des échelles de plus en plus réduites, si bien qu’en zoomant sur une partie de la figure, on peut retrouver toute la figure. La manière la plus simple d’obtenir une fractale, c’est de la trouver dans la nature. Certains végétaux comme la fougère ou le chou possèdent de splendides fractales. Les nuages ou les montagnes sont aussi des exemples de fractales. Avec deux miroirs mis face à face, on peut aussi s’amuser à créer un objet fractal. Le miroir contient un miroir qui contient un miroir qui contient un miroir … Certaines fractales étonnantes et d’une beauté souvent mystérieuse par leur complexité sont créées grâce à l’informatique. A chaque pixel de l’écran de l’ordinateur sont associées ses coordonnées, qui subissent des opérations itérées à la fin desquelles on attribue une couleur au pixel. Les fractales sont couramment utilisées en Afrique, dans la confection des tresses féminines, lesquelles suivent le schéma d’auto-similarité, dans la construction des villages où le même sous-motif se répète à différentes échelles. Encore un cas des richesses méconnues de l’Afrique.

● Humilité

La peinture de James Houra est un appel à l’humilité. Les formes géométriques qu’il répète à l’infini, comme dans la nature, ne seraient-elles pas comme « la trace de Dieu » laissée dans ce qui nous entoure et ce que nous sommes ? Quand on regarde les toiles d’Houra, on ne peut s’empêcher de vouloir zoomer encore encore, encore et encore, comme si on s’attendait à arriver à une limite. Ces objets au périmètre infini dont on ne peut voir le bout semblent nous dire : « regarde-moi, apprécie ce que tu voies mais si tu veux me percevoir dans toute mon entièreté, tu ne le pourras jamais ». Ceci montre que l’esprit humain, malgré sa puissance, peut appréhender les objets mais sans jamais pouvoir les posséder dans une totale compréhension. Les fonctions mathématiques qui ont cherché à rendre compte des symétries dans la nature montrent la limite de l’homme à pouvoir appréhender les mondes infinis qui l’entourent. Plutôt que de vouloir tout comprendre, Houra nous invite à la contemplation de ces formes géométriques qui, comme celles que l’on retrouve dans l’ADN, sont à la source de la vie. Les progrès de la science nous montrent que les choses sont encore plus incroyables que ce que l’on pouvait penser, et nous voyons dans la perfection des animaux, du cosmos, des plantes, du cerveau, … une empreinte du divin. Ce qui existe dans le microcosme se retrouve dans le macrocosme et malgré les avancées faites par la science, le mystère reste énorme et l’homme est loin de tout savoir. Plus on avance, plus le mystère s’épaissit et plus l’aspect incroyable des merveilles et des mystères de la nature nous saute aux yeux. Plus la science progresse, plus les questions se multiplient et au lieu de prétendre que demain elle répondra à tout, il vaudrait mieux avoir l’humilité de comprendre l’aspect mystérieux de l’univers, et donner peut-être crédit aux sages qui depuis l’antiquité nous disent que pour comprendre l’univers il faut commencer par se comprendre soi-même.

● Femmes

La noblesse de la femme est le thème majeur que James Houra aborde avec son pinceau et ses teintes dorées. Sans la déifier, James Houra fait de la femme un être de contemplation. Dans le rôle dominant qu’elle tient, la femme apporte force et lumière à la famille, paix et harmonie à la société. Aidant l’homme à devenir plus complet, celui-ci ne peut rien faire et rien être sans la femme, dont la place n’est ni moindre ni inférieure à celle de l’homme, mais simplement complémentaire. L’homme prend conscience qu’il ne peut atteindre les objectifs de la famille et de la société, sans travailler de concert avec la femme. Sincère et le cœur à servir, la femme maintient et protège le foyer et la famille. Mère aimante, elle apprend aux enfants le respect et le sens de l’effort. Juste envers ceux qui la respectent, elle aide les plus faibles et veille toujours sur ses propos, ouvrant la bouche avec sagesse. Diligente et industrieuse, il est facile de comprendre pourquoi son mari et ses supérieurs lui font entièrement confiance. Connaissant ses aptitudes, elle s’en sert à bon escient. Quelles que soient les activités auxquelles la femme participe, elle se livre à ce qui compte le plus pour elle, à savoir la protection, l’affermissement et l’édification de sa famille, base de la société. Par sa douceur et sa patience, elle aide l’autre à se connaître et à découvrir au plus profond de lui-même des qualités qu’il avait toujours ignorées. Elle lui apprend ainsi à aimer vivre avec lui-même. Et quoi de plus important puisque c’est avec soi-même que l’on passe le plus de temps. Utilisant avec variation des couleurs arc-en-ciel, afin de mieux mettre en valeur la femme, c’est donc à une renaissance de nous-mêmes et de notre société que James Houra nous invite.

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