Costa Rica 7/7 : Limon

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A. Puerto Limon

Situé sur la côte caraïbe du Costa Rica, Puerto Limón ou Limón est le plus important port du pays, et le poumon économique du pays.

Le développement portuaire de Puerto Limon, situé à quelques kilomètres du point où Christophe Colomb aborda lors de son quatrième voyage, s’explique par le fait que l’emplacement s’est vite révélé comme un des meilleurs ports de la côte caribéenne. Les exportations agricoles du Costa Rica (banane, café, sucre, ananas, …) sont presque toutes expédiées de Puerto Limon.

Depuis 2009, Puerto Limon accueille la Course Transatlantique Nautique Jacques Vabre aussi appelée « La Route du Café « . Considérée comme un des plus grands évènements nautiques mondiaux, la course Jacques Vabre est une course transatlantique en double (équipages de deux marins) qui se déroule tous les 2 ans depuis 1993. Elle est ouverte aux monocoques IMOCA et multicoques Multi50. Le port de départ est Le Havre, en France. Le port d’arrivée a été, de 1993 à 2001, Carthagène (Colombie), puis de 2001 à 2007, Salvador de Bahia (Brésil) et est, depuis 2009, Puerto Limon (Costa Rica).

Au sud de Puerto Limon se trouvent quelques-unes des plus belles plages du Costa Rica : Cahuita, Puerto Viejo, Cocles, Gandoca, Manzanillo, etc. Au nord, le Parc National de Tortuguero, traversé par des canaux naturels, constitue la plus importante zone de ponte des tortues vertes de l’ouest des Caraïbes.

A Puerto Limon, on peut encore voir le Liberty Hall, bâtiment de la Black Star Line, construit en 1922 comme siège de l’UNIA (Universal Negro Improvement Association) fondée en 1914 à Harlem par Marcus Garvey. Ce bâtiment, qui est le seul qui subsiste encore parmi ceux construits par l’UNIA dans le monde, a été déclaré Edifice du Patrimoine National en 1989. Le rez-de-chaussée est occupé par divers commerces et restaurants et le premier étage abrite les bureaux de diverses associations afro dont la UNIA.

B. Noirs du Costa Rica

Les noirs sont très présents dans la province de Limon et en particulier à Puerto Limon, La communauté noire de Puerto Limon est très dynamique et à la tête de nombreuses entreprises, associations, universités, collectivités, …

La population afro-costaricaine apparaît comme une minorité invisible, alors que sa contribution à la vie du Costa Rica a été et demeure substantielle, au plan économique (développement de l’agriculture, construction du chemin de fer, …), au plan culturel (musique, littérature, sports) et au plan démographique (10 % de la population), pour ne citer que ceux-là. Pourtant, si le Costa Rica veut parvenir à un développement durable, stable et viable, il devra de plus en plus assumer sa dimension multiculturelle et multiraciale, et en particulier son identité négro-africaine.

Les noirs du Costa Rica sont arrivés en deux vagues successives. A partir de 1502, les esclaves arrivent d’Afrique (Angola surtout) pour remplacer les amérindiens qui, d’une part, ne résistaient pas au travail forcé dans les plantations et les mines, et d’autre part étaient considérés comme ayant une âme, au contraire des noirs qui, étant dépourvus d’humanité, pouvaient être réduits à l’état de bêtes de somme. Les esclaves étaient débarqués à Cartagena de las Indias (actuelle Colombie), le plus grand port négrier du Nouveau Monde, avant d’être redistribués vers le Panama, le Pérou, le Vénézuela et Quito. Les esclaves noirs arrivaient également du Guatemala. Leur travail permit de mettre en valeur le plateau central du Costa Rica (San José, Guanacaste, Puntarena, Cartago, …) en développant l’agriculture (céréales, cacao, élevage, …) et d’exporter les produits obtenus vers l’Europe. En 1808 le café est introduit de Cuba et de la Jamaïque. Lui aussi est vite exporté vers l’Europe et l’Amérique du Sud (Chili). La deuxième vague d’arrivée des afro-costaricains se situe au 19è siècle. A partir de 1872, des travailleurs sous contrats sont recrutés depuis la Jamaïque pour construire le chemin de fer qui doit évacuer la production agricole du centre du pays vers la côte caribéenne. En 1927, on comptait déjà 20 000 afro-caribéens dans la province de Limon (une des 7 régions du pays, située sur la côte caribéenne), soit 55 % de la population. Les travailleurs d’origine jamaïcaine développèrent en même temps la production de la banane sur les lots qui leur étaient attribués de part et d’autre du chemin de fer. La production de banane n’a cessé de croître faisant actuellement du Costa Rica le deuxième exportateur mondial de banane (2 millions tonnes/an) après l’Equateur et devant les Philippines, la Colombie et la Guatemala.

Jusqu’à la révolution de 1948, les afro-costaricains n’étaient pas considérés comme des citoyens costaricains et n’avaient pas le droit de quitter la région de Limon. La constitution libérale mise en place en 1949 par le président José Figuerres, en même temps qu’elle a abrogé cette mesure discriminatoire, a accordé le droit de vote aux noirs et aux femmes et aboli l’armée. Aujourd’hui, San José, la capitale, est devenu le deuxième lieu d’implantation des costaricains. Ainsi, l’église adventiste Mount of Olives, à San José, est presqu’entièrement fréquentée par les afro-costaricains.

Les afro-costaricains représentent présentement 10 % de la population du pays, laquelle est de 5 millions d’habitants. Nombre d’entre eux ont émigré aux Etats-Unis où ils pensent qu’ils ont de meilleures chances de promotion sociale et économique qu’au Costa Rica. Ils estiment en effet qu’aux USA, en raison du caractère plus clair de la discrimination raciale, les noirs se sont mieux organisés (National Association for the Advancement of Colored People, …) et ont accompli des progrès plus importants dans leur ascension sociale et économique. Au Costa Rica, le racisme est un sujet tabou et n’existe pas officiellement. Il est diffus et sournois et donc difficile à combattre.

Les afro-costaricains sont presque tous trilingues. Ils parlement l’espagnol, l’anglais (en raison de leurs liens très forts avec la Jamaïque) et le Mekatelyu, un créole très proche du créole de Jamaïque. Le Mekalteyu est également très proche des créoles parlés à Colon (Panama), Miskito (Nicaragua), Bélize et Saint-André (archipel au large de la Colombie). Le Mekatelyu, qui dérive en partie de l’anglais, est une translitération de « make I tell you » ou, en anglais classique, « let me tell you ».

C. Epsy Campbell

Epsy Campbell, qu’on surnomme la « Barack Obama du Costa Rica », est sans conteste la personnalité afro-costaricaine la plus en vue actuellement. Âgé de 45 ans, issue de grands-parents ayant immigré de Jamaïque au début des années 1900, Epsy Campbelle a fait des études universitaires en économie au Costa Rica et en sciences sociales en Espagne. Elle a été député de 2002 à 2006. Aux élections présidentielles de février 2010, Epsy Campbell s’est présentée aux primaires de son parti, le PAC (parti d’action citoyenne), le plus puissant parti d’opposition mais est arrivée en deuxième position derrière Otton Solis, le chef du parti, qui a donc affronté et perdu face à Laura Chinchilla. Si elle avait obtenu la nomination de son parti, elle aurait été en bonne position pour être élue présidente du Costa Rica. Elle aurait alors été le premier chef d’état noir d’Amérique Latine, bien que certains présidents se soient réclamés d’ascendance africaine : Fulgencio Batista (Cuba), Hugo Chavez (Venezuela), Juan Benitez et Vicente Guerrero (Mexique), Juan José Nieto (Colombia). Aux élections présidentielles de 2006, Otton Solis avait presque battu Oscar Arias (moins de 1 % de différence). Epsy Campbell, qui était co-listière de Solis, serait alors devenue vice-présidente du Costa Rica.

Epsy Campbell a dirigé plusieurs associations : le Centre pour les Femmes Afrodescendantes d’Amérique Latine et des Caraïbes (Center for Women of African Descent, Alliance of Leaders of African Descent in Latin America and the Caribbean), le Parlement Noir des Amériques (Black Parliement of the Americas), le Réseau des Femmes Afro Latino Américaines et Afro Caribéennes, …. Elle a participé à plusieurs conférences dans le monde : la 4è Conférence Mondiale des Femmes tenue à Beijing, la Conférence Mondiale contre le Racisme tenue à Durban, le Sommet Mondial de la Terre tenu Rio en 1992, la Première Rencontre des Femmes Noires d’Amérique Latine et des Caraïbes, tenue à Santo Domingo.

Les afro-costaricains ont régulièrement été présents au parlement et y ont occupé jusqu’à 3 des 55 sièges. Aux dernières élections législatives, pour la première fois, aucun afro-costaricain n’a été élu. Par contre, à Limon, la province comptant la plus forte proportion de noirs, 3 d’entre eux viennent d’être élus maires de trois communes. C’est le cas de Yelgi Lavinia, qui vient de prendre ses fonctions de maire de la commune de Siquirres.

Plusieurs postes prestigieux sont occupés par des afro-costaricains : Ricardo Thompson est ambassadeur du Costa Rica à Trinidad ; Miguel Angel Rodriguez est secrétaire général de l’Organisation des Etats Américains ; Roberto Sawyers est directeur du Projet de la Ville de Puerto Limon ; etc.

D. Littérature

La plus grande figure littéraire afro-costaricaine est sans aucun doute Quince Duncan. Duncan a publié de nombreux romans, nouvelles, études littéraires et études portant sur l’africanité. Ses œuvres les plus connues sont le recueil de contes « Una cancion en la madrugada » (1970), le roman « Hombres Curtidos » (1971) et, en collaboration avec Cesar Melendez, le roman « El Negro en Costa Rica (1972). Quince Duncan se bat pour la reconnaissance de la culture caribéenne, la culture afro-centraméricaine et la cause noire en général. Pour lui, « la culture occidentale est traditionnellement ethno-phobique et tend à éliminer la diversité ». Il a aussi analysé diverses formes d’héritages religieux africains dans la communauté indienne du Costa Rica (esprit des ancêtres, croyance au magique, plantes et herbes médicinales, …).

Plusieurs autres auteurs, sans être afro-costaricains, ont évoqué et réhabilité la culture africaine et carribéenne du Costa Rica.

C’est ainsi que Joaquin Guttierez (1918-2000), écrivain costaricain mondialement connu, aborde le thème des descendants afro-caribéens dans « Cocori » (1947) et « Puerto Limon ». Ces deux romans font partie des plus grands succès de la littérature costaricaine et ont été traduits en une douzaine de langues et obtenu des prix au Chili, Cuba, Nicaragua, Costa Rica et Pologne.

Abel Pacheco (président du Costa Rica de 2002 et 2006) évoque la côte caraïbes de Costa Rica dans « Mas debajo de la piel » (1975).

Tatiana Lobo, romancière chilienne installée au CR depuis 1966, parle de la formation de la ville de Cahuita, sur la côte caribéenne du Costa Rica, dans « Calypso » (1996) et de la côte caribéenne dans « Blancos y negros todos mezclados » (1997).

Dans « Limon Blues » (2002) puis « Limon Reggae » (2007), Ana Cristina Rossi célèbre la culture caribéenne de Limon et parle des politiques racistes de l’Etat contre ses populations.

Jazmin Ross, mexicaine résidant au Costa Rica, a publié « La Pasion por el Caribe » (la passion pour la Caraïbe).

Fabian Dobles (1918-1997) fait partie de la génération des années 40, un groupe d’écrivains préoccupés par les changements sociaux, au moment où l’industrie du café reculait devant celle de la banane, créant un exode rural vers les villes portuaires.

Enfin, Eulalia Bernard Little, afro-costaricaine, a publié trois recueils de poésie : « Ritmohéroe » (1982), « My Black King » (1991) et « Marsh » (2001).

E. Sport et musique

Les noirs du Costa Rica sont de plus en plus présents dans le sport et beaucoup se sont illustrés au niveau mondial et olympique. Outre les footballeurs, on peut citer Verania Willis (volley-ball), Hanna Gabriel (boxe superwelter), ainsi que Nery Brenes, Sharolyn Scott, Mariela Leal et Shantelly Scott (athlétisme). Des sportifs afro-costaricains installés aux USA sont également célèbres comme Carlos Pascal (baseball).

De nombreux afro-carribéens excellent dans la musique et la renommée de certains est internationale : Alfredito Payne, Michale Livingstone, Enoch Samuels, …

F. Ramiro Crawford

Ramiro Crawford, un autre leader charismatique de la communuté afro-costaricaine. Nous nous sommes vus à San José puis avons effectué ensemble une sortie de quatre jours à Bocas del Toro, une commune du nord du Panama où la présence des afro-panaméens est très forte. Ramiro Crawford a fondé l’association Limon Roots qui organise au mois d’août de chaque année le Limon Roots Afro-Cultural Festival, organisé à l’occasion du Black People’s et Afro Costa Rican Cultural Day (Dia del Negro), journée décrétée par le gouvernement depuis 30 ans, pour célébrer la contribution des afro-costaricains à la culture et à l’identité du Costa Rica. Il s’agit d’un des plus grands évènements afro-culturels de l’Amérique Centrale. La Présidente Laura Chinchilla a participé au Limon Roots Afro-Cultural Festival du 31 août 2010 et a demandé à Ramiro Crawford de lui faire des propositions concrètes pour la promotion des afro-costaricains. A l’occasion de ce festival, le quotidien La Republica a écrit que « le pays a une dette envers les noirs du Costa Rica qui n’a pas appris à reconnaître et apprécier à sa juste valeur la contribution des afro-costaricains à la culture et à l’économie du pays. Un racisme déguisé continue d’exister au Costa Rica ». La présidente Laura Chinchilla l’a elle-même reconnu dans son discours du 27 août 2010 au Afro-Cultural Melico Salazar Theater, discours dans lequel elle a invité ses compatriotes à « déraciner les préjugés qui existent entre frères et à construire des ponts qui nous rapprocheront encore plus de nos idéaux de démocratie, de justice et d’équité ».

L’Afro-Cultural Limon Roots Festival d’août 2010 a été aussi l’occasion de célébrer le 100è anniversaire de la visite de Marcus Garvey (1887-1940) au Costa Rica. Marcus Garvey est arrivé pour la première fois au Costa Rica en 1910 et a travaillé à la United Fruit Company qui continue (avec Del Monte et Dole) à être une des trois grands multinationales productrices de banane au Costa Rica. Par la suite, il est revenu 3 fois au Costa Rica. Il a institué le 31 août comme journée spéciale durant laquelle les noirs du monde entier doivent respecter, être fiers et célébrer l’héritage culturel africain.

Ramiro Crawford travaille aussi à une reconnaissance des afro-descendants des autres pays d’Amérique Latine. C’est ainsi qu’il contribue à mieux faire connaître le rôle des afro-argentins, totalement ignorés par l’Argentine. Il rapporte, dans sa revue « Limon Roots », que Maria Magdalena Mamadrid, citoyenne argentine, s’est vue refuser par les autorités argentines le droit de voyager à Washington pour participer à un séminaire, au motif qu’« il n’y a pas de noirs en Argentine » et que son passeport ne pouvait qu’être faux. Elle a accepté les excuses du gouvernement argentin mais a refusé de retirer la plainte qu’elle a déposé contre l’Etat argentin. Les esclaves noirs sont arrivés en Argentine à partir de 1580. Puis les africains ont émigré en Argentine au 19è siècle à partir du Cap-Vert. Au 20è siècle, une immigration a eu lieu en provenance de plusieurs pays africains (Sénégal, Nigéria, Mali, Sierra Leone, Ghana, Congo). Les afro-argentins représenteraient près de 6 % de la population de l’Argentine. La journaliste Leticia Pogorites écrivait récemment : « le projet homogénéisateur de l’Etat argentin a extrêmement réussi en ce qui concerne son idée de cacher les racines africaines dans le pays. Il s’est articulé sur une conviction imaginaire selon laquelle nous sommes blancs et européens et que le noir n’est lié qu’à l’esclavage ».

Ramiro Crawford a également été en Uruguay où il a rencontré le musicien Julio Olivera et la poétesse Béatriz Santos qui s’efforcent l’un et l’autre de mieux faire connaître la réalité afro-uruguayenne.

Ramiro Crawford a aussi visité les communautés noires du Honduras, Belize et du Nicagaruga. Les Garifuna déportés de St Vincent par les anglais en 1797 aux Iles Bay au Honduras.

Enfin, il a participé au 5è sommet des Amériques qui s’est tenu à Port-au-Spain (Trinidad) du 17 au 19 avril 2009, en présence du Président Obama.

Par ailleurs, il faut mentionner que le Costa Rica a participé, via l’ONECA (Organizacion Negra Centro Americana), au forum intitulé « Participacion e incidencia de los Afrodescendientes en la Organizacion de los Estados Americanos » (Participation et Incidence des Afrodescendants dans l’Organisation des Etats Américains) qui s’est tenu le 4 juin 2010 à Lima (Pérou).

Il faut en outre rappeler que le Costa Rica a signé le 9 mars 2004 un accord de libre commerce avec le CARICOM, formalisant ainsi l’importance de ses échanges avec les pays caribéens.

G. Conclusion

Au Costa Rica, on n’est pas noir, on est costaricain. L’hispanophilie exacerbée et la domination nord-américaine ont occulté tout le legs africain et développé une forme d’autocensure parmi la population noire, néfaste au profil multiculturel du pays. Si l’on dit souvent qu’il n’y a ni racisme ni apartheid au Costa Rica, cela est surtout imputable au fait que les noirs eux-mêmes ne se définissent pas comme tels et tournent le dos à leur mémoire collective. La violence symbolique exercée à l’encontre de la population noire est profondément infusée dans la société, tout comme l’est le racisme même s’il n’est pas observable au premier coup d’œil. Il ne s’agit pas d’un racisme de rue palpable, gestuel ou verbal, mais d’un système silencieux institutionnalisé sur des rapports humains basés sur la race et la continuation psychologique des rapports hiérarchiques établis pendant l’esclavage. Si les esclaves ont été libérés de leurs chaînes il y a plus d’un siècle, le rapport maître blanc-esclave noir persiste aujourd’hui à un degré différent dans le système en place.

Le racisme silencieux qui existe au Costa Rica et en Amérique Latine doit envoyer un message aux noirs qui ne veulent pas (plus) regarder leur négritude qu’on n’a jamais cessé de leur renvoyer violemment au visage.

Même si les afro-costaricains critiquent la place centrale de la race dans l’établissement des rapports humains dans leur pays, ils doivent se soumettre au processus destructeur de racialisation. Autrefois opprimés, ils doivent aujourd’hui vivre dans une société formatée par la pensée de l’élite blanche et se conformer à des référents étrangers niant leur identité, qu’ils ne connaissent finalement pas. Sur l’afro-costaricain pèsent une soumission et un effacement de toute une partie de son identité. Les costa-ricains doivent faire face à une autocensure dont ils sont à la fois auteurs et victimes et qui, par l’oubli de soi, tente d’effacer tout le sous-entendu négatif de la couleur. Puisque la composante noire de l’identité est rendue invisible par les hautes sphères, on inculque au noir qu’il n’a pas de couleur. Il devient ainsi lui-même étranger à sa propre négritude et se censure pour apparaître culturellement blanc. Inconsciemment, il ne s’identifie pas aux pratiques culturelles rappelant un héritage qui est le sien, mais qu’on ne lui a jamais appris à connaître et à aimer. Par l’imposition d’un discours national basé sur des valeurs espagnoles, on a éclipsé de la mémoire collective tout l’édifice fondateur et le patrimoine identitaire des descendants d’esclaves.

La réponse au processus de racialisation de la société doit être la conscientisation des noirs par rapport à leur négritude. L’art est un vecteur approprié à la diffusion d’une image libérée et apaisée du lourd fardeau que l’afro-costaricain a longtemps porté. L’art afro-costaricain tente à travers ses peintures de renvoyer une image du noir qu’il pense juste, pour détruire les clichés et réveiller l’auto-estime des afro-costaricains. De nombreuses peintures évoquent tous les éléments de la mémoire collective qui font appel aux ancêtres et à l’héritage africain. Elles proposent une esthétique nouvelle qui veut aider les afro-costaricains à être conscients de la présence africaine dans leur être, à valoriser ce legs et à s’identifier à l’être noir que la discrimination a voulu effacer.

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