L’édition 2017 d’Abidjan Jazz s’est déroulée hier 5 mai 2017, avec quelques uns des grands noms ivoiriens du jazz. Comme chaque année, cet évènement est devenu, le temps d’une soirée, le lieu idéal pour s’enivrer d’un jazz splendide joué par une sélection exquise de jazzmen.
● Racines du jazz
Quand on pense jazz, on pense souffrance, génie, créativité. On pense surtout Etats-Unis, plantations de coton, ségrégation, lutte pour les droits civiques. On pense enfin aux géants noirs américains qui ont universalisé cette musique en offrant leur talent au monde : Louis Armstrong, Duke Ellington, Ella Fitzgerald, Nina Simone, Nat King Cole, Lional Hampton, Charlie Parker, Sidney Bechet, Count Besie,Miles Davis, … et tant d’autres. Par leur art, ils ont porté haut l’étendard du jazz et revalorisé l’homme noir dans le monde.
● Retour en Afrique
Faire largement connaître dans toute l’Afrique le jazz, style musical souvent méconnu sur le continent, tel est le but des festivals variés et inventifs qui se déroulent chaque année au Sénégal, Guinée, Maroc, Tunisie, … et font de l’Afrique l’une des terres de prédilection de cette musique. En Côte d’Ivoire, c’était le cas hier 5 mai 2017 à Abidjan où le concert « Les Eléphants du Jazz » nous a permis de vivre une soirée inoubliable avec quatre instrumentistes ivoiriens connus pour leur immense apport à la musique jazz made in Côte d’Ivoire. Ce sont le guitariste Evariste Yacé, le saxophoniste Isaac Kemo, le bassiste Luc Sigui et le batteur Paco Sery. En mêlant aux sons du jazz classique des rythmes hérités de la musique traditionnelle africaine, ces artistes chaleureux et immensément talentueux démontrent que le véritable avenir du jazz réside dans une exploration fervente des ressources de son passé, ressources qui se trouvent dans le « Deep South » des Etats-Unis mais aussi en Afrique. En réconciliant l’Afrique, mère de l’humanité, avec ses diasporas du monde, c’est en fait la grande famille humaine que ces joueurs de jazz veulent réunifier en ouvrant le monde aux trésors de l’âme noire.
● Evariste Yacé ou l’ouverture à toutes les musiques
Issu d’une famille de musiciens ivoiriens, la passion d’Evariste Yacé pour le jazz date de son enfance. C’est surtout à Manu Dibango qu’il doit d’être passé de l’amateurisme au professionnalisme. Sa rencontre avec la musique mandingue (Cheick Smith, Kerfala Kanté, Oumou Sangré, Salif Keita, Affou Keita, …) lui fait découvrir une musique qui appartient à au moins sept pays (Côte d’Ivoire, Mali, Burkina Faso, Sénégal, Guinée, Sierra Leone, Gambie). Il admire les anciens de la musique ivoirienne (Ernesto Djéjé, François Lougah, Bailly Spinto, Aïcha Koné, Jimmy Hyacinthe, …) et s’inspire de l’exemple actuel des grands artistes ivoiriens (Alpha Blondy, Meiway, Magic System, Tiken Jah Fakoly, …) qui se sont imposés grâce à leur professionnalisme. Musicien-arrangeur et surtout grand bosseur (il fait en moyenne une dizaine d’albums chaque année), il vient de monter à Abidjan un studio d’enregistrement. Pour lui « l’arrangement est la psychologie de la musique ».
● Issac Kémo, la passion et la joie d’un grand saxophoniste
Isaac Kémo, né à Abidjan en 1975, apprend très jeune le piano, puis la clarinette, avant de découvrir « son » instrument, le saxophone. L’Ecole des Arts d’Abidjan lui permet de parfaire ses connaissances musicales mais c’est surtout dans la musique des « grands » (John Coltrane, Fela, Manu Dibango, …) qu’il puise son inspiration. Après avoir représenté la Côte d’Ivoire aux Jeux de la Francophonie au Liban et au Niger, puis à la Communauté des États sahélo-sahariens, il part en résidence de création au Centre Culturel Français de Bobo Dioulasso en 2010 puis en tournée en France. Il vit actuellement en Corse à Bonnifacio où il est le directeur artistique de deux festivals : Le Festival Nautic & Music et le Festival Festi-Lumi. Ce qui frappe chez celui qui est aujourd’hui reconnu comme l’un des meilleurs saxophonistes de sa génération, c’est sa passion pour son instrument mais aussi l’inexorable joie qu’il affiche avec son immense sourire communicatif.
● Luc Sigui, la persévérance et la foi
Luc Sigui, chanteur et instrumentiste de jazz, est originaire de Biankouma, à l’ouest de la Côte d’Ivoire. Jouant de la guitare dès l’âge de 9 ans, il a rejoint très tôt des formations musicales ivoiriennes comme les groupes Jaca, Résurrection, Woody, … avec lesquels il se produit en Afrique (Côte d’Ivoire, Gabon, Togo, …) et en France. Soucieux de se perfectionner, il décide d’accéder aux écoles prestigieuses de guitare et suit les cours de Fred Sokolow (USA), Eric Boell (France), Denis Roux (Bresil)… Il a également joué avec le grand chanteur-compositeur ivoirien de gospel O’Nel Mala.
● Pako Séry, un demi-siècle à la batterie
Lorsque Paco Séry, âgé de 9 ans, annonce à son père qu’il souhaite devenir musicien, celui-ci le gratifie d’une énorme gifle. Né à Divo en Côte d’Ivoire en 1956, Pako Séry est aujourd’hui considéré comme un des meilleurs batteurs et percussionnistes de jazz au monde. Après avoir écumé tous les clubs de jazz de Paris, il travaille avec les légendes que sont Nina Simone, Joe Zawinul, Manu Dibango, Jacques Higelin, Claude Nougaro, Jaco Pastorius, Dee Dee Bridgewater, Wayne Shorter, … La carrière de Paco Séry a été couronnée par trois Grammy. Devenu un globe-trotter qui se produit dans le monde entier, il mène deux projets de front: « une composition symphonique avec l’orchestre philharmonique de Budapest » et « une école de musique » dans son pays, la Côte d’Ivoire.