GRAND BASSAM, CAPITALE DES N’ZIMA

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GRAND BASSAM, CAPITALE DES N’ZIMA

Située à 45 kilomètres à l’est d’Abidjan, entre l’Océan Atlantique et la lagune Ebrié, Grand Bassam est connue à plus d’un titre. Siège historique de la chefferie des N’Zima, première capitale coloniale, Grand Bassam est également une des villes touristiques ivoiriennes les plus visitées pour ses plages de rêve et ses divers sites touristiques.

  • Histoire des N’Zima

Les N’zima sont aussi appelés Appolloniens, probablement en raison du fait que l’arrivée des Anglais s’est faite un 9 février, jour de Sainte Appoline.Comme tous les Akans, les N’Zima situent leur origine en Egypte où ils auraient vécu jusqu’au 7e siècle, avant d’en partir à cause de la conquête musulmane. Après avoir transité par l’Abyssinie (sous l’empereur Ezane) puis le Mali, d’où ils sont chassés par les Almoravides à partir du 11e siècle, les N’Zima trouvent refuge à Kumassi, au Ghana. A la suite d’un conflit entre Ashantis, les N’Zima migrent vers la côte ghanéenne qu’ils colonisent depuis Axim. Ils repartent et trouvent les Abouré dans la région de la Bia en pays Sanwi et entretiennent avec eux des relations cordiales et commerciales. A la fin du XVIIIè-début du XIX° siècle, ils émigrent à Bonoua puis à Moossou. Vers 1870, le roi Abouré Nanan Boté Sey va choisir des chefs N’zima et leur confier des territoires sur le littoral. Le premier de ces territoires est Vliassé, l’actuel quartier France confié à N’zima Alongôba. Un autre chef Abouré attribue le quartier Azuretti à N’zima Adouvlé. Aujourd’hui, les chefs de ces différents territoires sont désignés par leurs notables mais continuent d’être agréés sans cérémonies par le roi de Moossou. Le peuple Nzima Kotoko de Grand Bassam a connu plusieurs chefs : John Bright, Poy, Eliam, Gnanzoukan, Homian, Augustin Kwassy, et Ezan Aka Marcel intronisé en 1965. A la mort de ce dernier, c’est Tanoé Amon Desiré, actuel chef, qui lui a succédé. C’est dans la région de Grand Bassam que le premier traité entre les français et les locaux sera signé, très exactement avec Amon Ndoufou, roi de Krinjabo, en 1843. Les premiers comptoirs commerciaux seront installés à compter de cette date. Fondée à cette époque (milieu du 19è siècle), Grand Bassam deviendra le principal centre administratif français, de 1893 à 1899, date à laquelle la capitale de la colonie sera transférée à Bingerville. Grand Bassam sera le principal port du pays jusqu’à ce qu’Abidjan prenne le relais dans les années 1930.

  • Sept familles

L’organisation du peuple Nzima est pyramidale. Chaque famille comprend en son sein une famille de l’intérieur appelée Suakunlun Aboussouan et une famille large appelée Assalô Aboussouan. La succession est de type matrilinéaire, se faisant de l’oncle au neveu. Le peuple N’Zima Kôtôkô se compose de sept communautés ou grandes familles, à l’image des sept castes d’Egypte. Chacune de ces familles est représentée par un symbole : feu, riz, or, maïs, palmier, raphia, igname. Chaque famille joue un rôle spécifique pour la préservation de l’unité sociale. Les Ndwéafo symbolisés par le feu, incarnent l’humilité, l’amour et la fidélité. Les Ezohilé symbolisés par le riz, eux, détiennent des compétences en matière de gouvernance, démocratie et gestion des conflits. Les Mafolè, symbolisés par l’or et l’argent, sont un groupe doté de richesses et d’esprit d’entreprise. Les Nvavilé, symbolisés par le maïs, sont outillés en critique politique et sociale. Les Adanonlè, symbolisés par le palmier et perroquet, ont des dispositions pour l’autosuffisance alimentaire. Les Allonhomba, symbolisés par le raphia et calebasse, ont des compétences en construction sociale et de la personnalité. Les Azanwulè, symbolisés par l’igname, incarnent l’union, l’attachement et la sympathie. Ces sept familles forment entrent elles une communauté solidaire. Tout membre, qui éprouve des problèmes et difficultés, trouve auprès de ses frères et sœurs aide et assistance.

  • Abissa

L’Abissa est la grande fête traditionnelle des N’Zima. Se déroulant annuellement, elle permet à la fois de célébrer la nouvelle année au sein de la communauté N’Zima et de faire le bilan de l’année écoulée. Placée sous les concepts de démocratie et de justice, l’Abissa a pour objectif de favoriser l’équilibre social et l’harmonie au sein du peuple N’Zima. Cette fête se déroule généralement entre la fin du mois d’octobre et le début du mois de novembre et s’organise en deux temps, le premier ayant un caractère mystique et l’autre un caractère populaire. La première partie de l’Abissa est la « semaine silencieuse », à laquelle seuls les autochtones N’Zima ont le droit de participer. Après l’apparition du tam-tam parleur appelé « Edo-N’Gbolé », la semaine silencieuse débute, durant laquelle les filles et les fils N’Zima procèdent aux répétitions des danses de l’Abissa. C’est également durant la semaine « silencieuse » qu’a lieu la cérémonie du jet de pierres à la mer, où toutes sortes de voeux pour la nouvelle année sont formulés : rencontrer l’amour de sa vie, avoir un enfant, faire fortune, … Si ces vœux sont sincères et faits dans un esprit de partage et de don de soi, ils seront exhaussés. La deuxième partie de l’Abissa marque le début des festivités ouvertes à tous, avec la sortie du tam-tam sacré. A ce moment, le Roi des N’Zima fait son apparition et les fils et les filles de la communauté réalisent les danses traditionnelles de l’Abissa. La fête dure une semaine et se clôture par des concerts. Durant cette période les festivités sont officiellement ouvertes à toute personne désireuse de célébrer la nouvelle année avec la communauté N’Zima.L’Abissa est une fête populaire qui réunit toutes les générations. Certains vont festoyer au bord de la plage tandis que d’autres dansent autour du tam-tam sacré. L’usage veut que tout le monde soit maquillé au kaolin. Chacun donne libre cours à son imagination pour se déguiser. Certains, le corps recouvert de kaolin ou de peinture, s’immobilisent comme des statuettes dans la rue. La fête de l’Abissa est célébrée depuis plus de trois siècles, depuis l’arrivée de N’Zima à Axim au Ghana. L’Abissa s’appelle également la fête du Koundoum, du nom d’un génie (kominlin en N’Zima) auquel aurait été accordée la grâce de veiller aux bienfaits de cette fête.

  • Démocratie

Une étape importante de l’Abissa est celle appelée « étape de la vérité ». Expression la plus achevée de la démocratie telle qu’elle existait dans l’Afrique traditionnelle, l’« étape de vérité » se déroule juste avant la cérémonie de vœux au bord de la mer. Les sept familles (Alonwomba, Mafolè, N’Wavilè, Adahonlin, Ezohile, N’djuaffo ou Ahua, Azanwoulé) qui composent le peuple N’Zima se scindent en deux groupes. D’un côté les femmes, de l’autre les hommes. Les deux groupes se livrent à un jeu d’autocritique et de critiques dont l’enjeu est la catharsis collective. La coutume exige que les critiques se fassent dans un esprit de bon ton et que les destinataires soient réceptifs. Afin de n’offenser personne, les critiques se font avec des mots bien choisis et sans que personne ne soit nommément cité. Les personnes visées par les critiques, y compris le roi lui-même, ont le devoir de les accepter. Enfin, et c’est le plus important, tout le monde s’engage à intégrer les critiques dans sa vie de tous les jours et à rectifier le tir, durant l’année qui va suivre. Pour les spécialistes de la culture N’Zima, l’ « étape de vérité » est une des formes les plus achevées de la transparence et de la vérité et une preuve des plus parlantes que la démocratie existait dans les sociétés africaines, bien avant l’arrivée des Européens en Afrique. Finalement, l’Abissa n’est pas seulement une fête populaire de réjouissance, mais une cérémonie qui célèbre la démocratie et la réconciliation chez les N’Zima. Dans tous les quartiers de Grand Bassam (Petit Paris, Azurety, Impérial, Agnonty, …), l’Abissa est le lieu où les conflits se règlent « en famille », interdisant aux N’Zima d’étaler leurs différends sur la place publique.

  • Tourisme

Aujourd’hui, Grand Bassam est devenue une importante station balnéaire de la Côte d’Ivoire, fréquentée à la fois par les nationaux et les touristes étrangers. C’est également un centre où se déroulent de nombreuses rencontres, colloques et séminaires. La ville compte un bon nombre d’hôtels, restaurants et paillotes ainsi que plusieurs lieux touristiques et historiques (quartier colonial de la ville avec ses maisons en bois surélevées, musée du costume, villages artisanaux, centre céramique, phare, ancienne maison de la poste).

Pascal Gbikpi.

Sources : André Silver Konan ; Agbroffi Diamoi Joachim ; Germain Ehimance ; Pacôme Ezané.

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Comments 1

  1. En 1978, la publication de l’ouvrage de l’Abbé Jean Albert Ablé Intitulé « histoire et traditions politiques en pays Abouré » fait croire aux Abouré Êhê de Moossou, la primauté de ceux ci sur les N’zima. En réalité les Êhê de Moossou ont été installé par les Ehotilé sur le site qu’ils occupent appelé alors N’nantchué-fô. Ce sont les Ehotilé qui de nos jours exerce le pourvoir des rituels. Quand aux N’zima, ils ont fondé Grand-Bassam au XVème siècle, avant l’arrivée des Portugais Soiero da Dacosta et Duarte Pacheco Pereira qui dans un rapport d’exploration intitulé « Esmeraldo Situ Olbi » note la démographie importante du site. Bassam est tiré de l’expression N’zima « Bazouam » qui veut dire « aide moi
    a porter ma charge » Le Chevalier Damon, Jean-Baptiste Ducasse et le Père Loyer en 1687, 1698 et 1701 dans leurs quête d’installation des comptoirs sur la côte,mentionnent le royaume de Bassam. Les deux plus anciens royaumes existant et connus a cette époque, étaient les Royaumes de Bassam et d’Assinie. Dans notre quête obstinée de la vérité historique nous affirmons que les N’zima furent les premiers a s’installer a Grand-Bassam. le Roi Bley Peter qui signa le premier traité avec la France (19 février 1842) était un N’zima, de la lignée du roi Amon qui en 1811 conquit tous les villages situés au nord de Grand-Bassam. A sa mort son neveu Assemian lui succéda, puis à la mort de de ce dernier 1830, le roi Peter fût intronisé (1830, 1854) Cette paternité est d’ailleurs confirmée par le Lieutenant de Vaisseau Amédée Cournet dans ces « Notes sur l’histoires de Grand-Bassam » le roi Peter est de la famille des N’djua appelée Assôkôpouê à Moossou et ne peut être roi de ce village dirigé par les Ezohilé ou Samandjé . Aucun chef de Moossou n’avait d’ autorité pour désigné un Roi N’zima et Bottey Say était un N’zima qui travaillait pour la maison anglaise de Swanzy. Ce sont plutôt les roi N’zima qui ont toujours intronisé les chefs de Moossou qui est un village de récente création. Le premier a mentionné le nom de Moosou en 1894 est Georges Thomann. Maurice Delafosse déclara d’ailleurs que les N’zima sont d’origine très anciennes et que leur langue était la langue usuelle à Grand-Bassam et à Moossou. ces précisions méritent d’être apporté pour retabli la vérité historique pour permettre aux ivoiriens de mieux comprendre l’histoire des N’zima. Un peuple qui par le talent de ses grandes personnalités ont contribué grandement à la constitution de la Côte d’Ivoire moderne.

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