Mar Moussa, lieu de paix et de silence
1. Origines
Deir Mar Moussa al-Habachi (en arabe « monastère de Saint Moïse l’Abyssin ») est situé à 90 km au nord de Damas en Syrie. À 13 km de Nebek, une petite route conduit au pied de la falaise où est perché Mar Mousa. Il faut ensuite grimper les escaliers de pierre une vingtaine de minutes. Après avoir été longtemps désaffecté, le monastère a repris vie à la fin du XXe siècle et abrite une petite communauté religieuse œcuménique de rite syriaque occidental (8 moines et moniales et 2 novices en 2010) qui prône le dialogue des religions et renoue avec la tradition des moines hospitaliers.
Le nom Deir Mar Moussa al-Habachi vient de Moussa, prince abyssin qui se retira en ces lieux au VIe siècle pour y mener une vie ascétique dans une petite grotte. La première mention attestant l’existence d’un monastère se trouve dans un manuscrit syriaque de 575 : les ruines d’une petite fortification romaine furent la base d’une petite basilique. L’église actuelle, qui date du XIe siècle, fut pendant longtemps le seul bâtiment, les grottes avoisinantes servant d’habitation aux moines. Aux XIe et XIIe siècles, le monastère prit son essor et l’église fut décorée de fresques à trois reprises, la plupart ayant été conservées et restaurées. Deir Mar Moussa est une construction solitaire dans un environnement désertique, alors que la plupart des couvents syriens sont proches d’un village. Son déclin progressif au XVIIe siècle aboutit à son abandon. Seul le pèlerinage annuel du 28 août (fête de Moïse l’Abyssin, dit aussi l’Éthiopien) préserva le monastère de l’oubli définitif.
2. Père Paolo
En 1982 le jeune jésuite italien Paolo Dall’Oglio arrive aux ruines de Deir Mar Moussa. Il s’y installe pour une retraite spirituelle de dix jours. En 1984, il est ordonné prêtre de rite syriaque catholique et va s’employer à relever les murs, avec le concours de volontaires. Les bâtiments historiques s’avèrent bientôt trop petits : pour loger les hommes et abriter les chèvres, on construit Deir el-Huqab en s’appuyant sur des grottes existantes à proximité. En 1998 on commence Deir el-Hayek pour loger les femmes et accueillir les hôtes et les séminaires.
En 1991, avec le diacre Jacques Mourad, Paolo crée, sous l’autorité de l’Église catholique syriaque, une communauté monastique double (hommes et femmes) vouée à quatre tâches : prière (en arabe salat), travail (amal), hospitalité (dayafa) et dialogue (hiwar). Le choix de la langue arabe dans la vie liturgique et sociale souligne l’intégration de la communauté dans le contexte syrien, au service du dialogue inter-religieux islamo-chrétien. L’une des sections de la bibliothèque est consacrée à Louis Massignon, grand érudit du monde oriental, dont la pensée et la vie continuent à inspirer Deir Mar Musa. Des volontaires partagent la vie des sœurs et des frères quelques jours, quelques semaines, parfois plusieurs mois voire des années. Depuis 2000 la communauté de Mar Moussa réanime Deir Mar Elyan (Monastère de Saint Julien), autre monastère situé à environ 50 km au nord (localité d’Al-qaryatayn).
Le monastère a obtenu en 2006 le Prix Euro-Méditerranéen pour le dialogue entre les cultures, institué en 2005 par la « Fondation Méditerranée » et la « Anna Lindh Euro-Mediterranean Foundation for the Dialogue Between Cultures”. Ce prix lui a été attribué « pour avoir promu le respect réciproque entre les peuples de diverses religions et convictions ».
Le père Paolo a dû quitter Mar Moussa et la Syrie en juin 2012, après avoir reçu une mise en demeure des autorités syriennes et vu son permis de résidence révoqué. Il compte rentrer dès que les conditions le permettront.