LA KORA, MESSAGERE DES MERVEILLES DE L’AFRIQUE

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Le concert organisé ce 15 décembre 2017 à la Rotonde des Arts d’Abidjan a permis au public de découvrir l’impressionnant talent de Roland Boussou, jeune virtuose de la kora, mais aussi celui des membres de l’Orchestre Philarmonique des Lagunes, constitué d’élèves de l’Insaac (Institut National Supérieur des Arts d’Abidjan), tous parvenus à une remarquable maîtrise de leurs instruments (violon, flûte, clarinette, saxo, trombone, …). Le chœur Jean Paul II de Yopougon a réhaussé de ses voix la beauté de la manifestation. A travers cette magnifique soirée musicale, Roland Boussou a donné l’occasion à tous de découvrir un peu plus les merveilles de l’Afrique et comment l’un de ses instruments les plus emblématiques, la kora, se prêtait à toutes les démonstrations de virtuosité.

● Plus qu’un instrument

Instrument à cordes hybride entre la harpe et le luth, la kora est jouée dans toute l’Afrique de l’Ouest de culture mandingue (Sénégal, Gambie, Guinée Bissau, Mali, Guinée, Sierra Leone, …). Constitué d’une demi-calebasse servant de caisse de résonance et traversée par un long manche en bois cylindrique, la kora est l’un des instruments les plus riches, les plus complexes et les plus mélodieux d’Afrique, sans équivalent au monde. Au nombre de 21, les cordes se répartissent en deux rangées parallèles et se rattachent à la hampe par des anneaux en cuir. Deux antennes permettent de se saisir de l’instrument et d’en jouer à l’aide des index et des pouces. À l’origine, la kora était réservée à la caste des griots, troubadours et gardiens de la tradition orale qui rappelaient l’histoire des royaumes et suivaient de près la généalogie des familles. À travers leurs chants, ils ancraient l’identité de chacun dans la communauté et donnaient à tous une place et une valeur dans la société. La kora était également utilisée lors d’événements de réjouissance comme les naissances et les mariages mais aussi lors des rencontres où les korafolas (joueurs de kora) rivalisaient de dextérité, donnant lieu à une sorte de dialogue à cordes faisant une large place à l’improvisation. La kora n’est donc pas un simple instrument de musique mais un messager ayant le pouvoir de faciliter la communication entre les hommes et les cultures, et de créer une volonté d’écoute et d’ouverture réciproques. Se répandant dans le monde entier, la kora a également le don de dialoguer avec d’autres instruments et cultures. Plus qu’un instrument, la kora est une invitation à vivre les valeurs humanistes de base que sont l’amour, l’espoir, le dialogue et la foi, et à comprendre l’importance de maintenir les traditions face à la modernité.

● Histoire

La légende rapporte que les premières koras étaient jouées par des djinns (esprits surnaturels). Un jour, Soundiata, empereur de l’antique Mali, se promenait le long d’un fleuve en compagnie de son ami Balafacé-Kouyaté lorsqu’il entendit pour la première fois cet instrument. Soundiata s’aventura dans les eaux du fleuve et arracha la kora des mains du génie musicien. Revenu sur la berge, l’empereur fit résonner la kora et ravi par les sons émis, il la tendit à Balafacé-Kouyaté qui en joua à son tour, devenant ainsi l’ancêtre des griots, poètes, historiens et conteurs. Ceux-ci firent entendre la kora à la cour des empereurs mandingues, transmettant jusqu’à nos jours la mémoire, les batailles et les rêves de leur peuple. Les musiques jouées à la kora étaient extrêmement élaborées, transmises de père en fils, et enrichies à chaque génération. Dans la seconde moitié du XXème siècle, les griots (Lamine Konté du Sénégal, Foday Musa Suso de la Gambie, …) commencent à faire connaître la kora en Europe et aux Etats-Unis, mêlant les airs traditionnels de leurs régions aux musiques modernes. Dans les mêmes années, les moines du Monastère bénédictin de Keur Moussa (Sénégal) adoptent la kora pour accompagner les offices. Ils construisent la première kora à clefs en remplaçant les traditionnels anneaux de cuir par des mécaniques de guitare. Le frère Dominique Catta, maître de chœur du Monastère de Keur Moussa, est le premier compositeur occidental à écrire des pièces pour la kora, seule ou en duo avec des instruments occidentaux.

● Modernité

Depuis plusieurs années, la kora propulse les traditions ancestrales dans la modernité, s’appropriant des genres musicaux éclectiques, allant de la musique mandingue à l’afro-jazz, en passant par le rap, le rock, le blues, le reggae, l’électro… Construisant un style très moderne autour d’un instrument traditionnel, la kora se situe désormais à la confluence de la musique d’Afrique de l’Ouest, des sonorités afro-américaines, de la musique du monde et des mouvances contemporaines. Il est impossible de dresser une liste exhaustive des grands maîtres de la kora tant ils sont nombreux. Parmi les plus remarquables, citons Sidiki Diabate et Djelimadi Sissoko, duo de koras qui a enregistré le remarquable « Mali : cordes anciennes » ; Jali Nyama Suso (Gambie), auteur du CD « Gambie, Mandinka kora » ; Lamine Konté (Guinée), certainement le premier griot qui ait fait connaître la kora au public européen et a marié des airs traditionnels aux rythmes afrocubains, au jazz et au rythm’n blues ; Foday Musa Suso (Gambie) installé aux Etats-Unis où il a fondé le groupe The Mandingo Griot Society, fusion de la pop-rock avec la musique traditionnelle africaine ; Mory Kanté (Guinée) qui connaît un succès international avec la chanson Yéké Yéké en 1987 et contribue à populariser l’image de la kora auprès du grand public ; Ballake SissokoMandé Tabolo » ; Toumani Diabaté (Mali) qui a enregistré des disques en duo avec Ballake Sissoko et en trio avec Keletigui Diabate au balafon et Basekou Kouyate au ngoni ; Djeli Moussa Diawara (Guinée), un des fondateurs du groupe Kora Jazz Trio, où il joue avec une kora de 32 cordes.

 ● Roland Boussou

Jeune homme de 23 ans, Roland Boussou a grandi à Yopougon (quartier d’Abidjan) où il a accompli sa scolarité jusqu’à la classe de troisième. Il entre alors au lycée de l’Insaac où il obtient son baccalauréat avant de poursuivre ses études supérieures de musique. A l’école du maître de kora, Koussoua, il se passionne vite pour cet instrument qu’il apprend à manier à la perfection et qu’il maîtrise aujourd’hui avec une grande dextérité, au point que l’Insaac l’a retenu pour former à son tour de jeunes élèves. Outre sa virtuosité à la kora, Roland Boussou démontre sa maîtrise des mélodies qui lui permet de jouer indifféremment des pièces de plusieurs musiques : traditionnelle mandingue, classique, jazz, chants de Noël, … Roland Boussou aura parfaitement réussi à atteindre l’objectif de ce concert qui était de faire connaître la singularité et la beauté de la kora, et sa capacité d’adaptation aux autres musiques du monde.

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