Pascal Konan, éveilleur des consciences

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Grand prix Guy Nairay en 2009, grand prix 2012 Uemoa de la biennale internationale de l’art contemporain africain de Dakar (Dak’Art), Pascal Konan est une des promesses de la peinture moderne ivoirienne. Son art : peindre des scènes de la vie quotidienne. Il a également peint le portrait de l’ancien président Félix Houphouët Boigny pour le nouveau siège de l’Union Africaine à Addis Abeba. Un portrait artistique dont l’expressivité retrace le visage, l’homme, et son action.

1. Une enfance heureuse

L’artiste peintre Pascal Konan est né le 15 avril 1979 à Abidjan (Côte d’Ivoire). Sa découverte très tôt de sa fibre artistique le conduit à intégrer le Lycée d’Enseignement Artistique à partir de la classe de troisième. Après le bac artistique, il entre à l’Ecole Nationale des Beaux-Arts d’Abidjan où, major de sa promotion, il obtient le diplôme supérieur d’arts appliqués avec mention. Devenu professeur de peinture dans le même établissement, il poursuit parallèlement son activité picturale.

Pascal Konan axe son travail sur les scènes de la vie quotidienne africaine et en particulier des grandes villes dont il interprète les émotions. Avec son langage et sa chaleur, il peint tout ce brassage culturel fait de la foule, des bruits et des odeurs. Son inspiration, il la puise dans cette enfance heureuse passée dans un des faubourgs d’Abidjan où il a pourtant été témoin de la précarité où vit une grande partie des citadins de cette nouvelle modernité.

  1. 2. La condition humaine

Artiste peintre figuratif, Pascal Konan centre ainsi ses œuvres autour du thème du « bonheur et de la condition humaine ». A travers sa peinture dont les formes et les couleurs rendent l’expressivité, l’artiste exploite destechniques (grattage, peinture à eau, à huile) avec lesquelles il anime le fond de ses toiles et de ses personnages, les effets de contraste entre la lumière et l’ombre permettant de saisir l’essentiel des formes et des êtres.

Dans le contexte où les clivages sociaux et la dégradation de la condition humaine s’accentuent, Pascal Konan à travers ses peintures prône l’action individuelle comme moyen de concrétiser l’humanisme.

3. La terre, notre mère à tous

Particulièrement sensible aux questions de gestion des ressources et de pollution de la terre, « notre mère à tous », Pascal Konan consacre sa dernière exposition aux e-déchets. « Si nous demeurons incrédules face à l’effet de serre, nous n’avons aucune excuse quant à la naissance de ce septième continent formé de nos déchets » avertit-il. Sa mise en garde concerne particulièrement l’apparition d’un nouveau type de déchets en Afrique : les e-déchets. Il s’agit de tous ces appareils électriques et électroniques irréparables et irrécupérables dont les africains se débarrassent en les jetant dans la nature mais aussi ceux le reste du monde exporte en Afrique. Ces e-déchets constituent désormais des poubelles à ciel ouvert qui défigurent l’environnement et détruisent la santé des populations. Pascal Konan travaille avec ces matériaux afin de leur donner une nouvelle vie en les incrustant dans ses créations.

4. Poubelle des uns, trésor des autres

De ce tas de rébus électroniques, il veut tirer quelque chose de bon, s’appuyant sur l’adage « la poubelle des uns est le trésor des autres ». Il voit en ce matériau un intérêt artistique pour ses représentations de l’espace et dans le jeu graphique qu’il entretient avec l’œil du spectateur. C’est ainsi qu’à l’aide de plaquettes électroniques, il réalise des personnages avec, en arrière-plan, un paysage en plongée, entretenant ainsi un rapport forme et fond et un jeu de texture intéressant. L’œuvre de Pascal Konan nous aide, à travers ces composantes électroniques, à comprendre l’évolution et la gestion sociale de nos villes et communes, et surtout la difficulté à les recycler en Afrique. Les inscriptions, les couleurs et le graphisme sont autant d’informations qui nous situent sur leur provenance et leurs origines. Au-delà de ces aspects, Pascal Konan veux décrier l’insouciance de l’homme face à son environnement, feignant de ne pas voir les résultantes de ses actes. Il dénonce ce cynisme qui pousse à vouloir atteindre le summum du développement sans se soucier des ornières que nous laissons pour les générations futures. Pour l’artiste, il est temps de changer nos habitudes vis-à-vis de l’environnement et apprendre les meilleurs gestes.

5. Complices des arts visuels

PasPascal Konan fait partie de ces jeunes artistes qui ont grandi avec internet, voyagent et bougent. Complices des arts visuels, ils s’intéressent à tous les supports et éléments que leur environnement et leur imaginaire leur offrent pour exprimer les productions plastiques. Nés dans un environnement qu’ils ont appris à observer, très tôt initiés aux réalités culturelles de l’Afrique, ils créent des totems de couleurs différentes avec des matériaux qui ne font pas toujours partie de la tradition, mais qui en respectent et exaltent le langage. Bien qu’il soit impossible de tous les nommer, on peut citer : Youssouf Bath, Roger Yapi, Yapo Patrick Yapo, Aboudia, Sanogo Souleymane, Aïda Wanne, Yeanzi Saint-Etienne, Mederick, Alberic Kouassi, Djeka, Irié Herman, Alain Zirignon, Vanly Tiene, Didier, Mene, Ange Martial, Salif Diabagaté, Armand Boua, Grah Poll, Mobiago Moulo, Jacques Stenka, Sap-Hero Issa Koné, Fredy Gbais Obou, Charles Marie, Bali, Pehouet Soro, Essoh Sess, Allou Ankofa, Justin Oussou, Désiré Amany, Augustin Kassi, Soumaïla Kamagaté, Harouna Traoré, Djire Mahe, Amani Ange, Sansan, Amadou Maïga, Pehah Jacques Soro, Agoh Claude Tchimou, Kouamé Ebi Félix, Mathilde Moreau, Dimao Jocelyn Ouehi, Yagor Yahaut, Souleymane Konaté, Willy Djaha, Aboukanne, Emmanuel Bi Djo, Loue Huges, Aya N’Da, Boussou Herman, Moulo Martial, Me Mondys, Salomon, G-Néa, Gossé Serges, …

6. Notre futur sera africain

Pleinement engagés dans le mouvement du monde, ces artistes éclectiques traduisent les problématiques comme celles de l’environnement avec des stratégies silencieuses de questionnement. Leurs œuvres chatoyantes sont sans nul doute politiques. Leur virtuosité s’empare de matériaux divers pour composer des œuvres hybrides. C’est bien le cas de Pascal Konan qui parvient à interroger le plastique et les métaux pour questionner la domination des produits de consommation et leurs résidus que sont les e-déchets. A travers ces artistes de talent, c’est le monde entier qui, de plus en plus, s’inspire de l’Afrique, continent fécond et porteur de nouveaux imaginaires et d’inventivité économique et écologique. Pascal Konan et les artistes ivoiriens montrent l’Afrique telle qu’elle est, et pas telle qu’on la fantasme. Il nous faut écouter ce qu’ils ont à nous dire et croire profondément que notre futur sera africain, car ils témoignent de leur attachement à extérioriser et à sonder les mystères de ce grand continent. L’harmonie visuelle qui se dégage de leurs créations, loin d’ètre un simple phénomène optique, crée une émotion qui va au-delà de leur humble création. Dans un monde en pleine ébullition, leurs toiles toujours à la recherche de la matière sont une source de recueillement et de spiritualité. Leur oeuvre est un mur de vérité qui nous ouvre au mystère habitant chacun de nous.

Pascal Gbikpi

Juin 2017

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