Salon International du Livre d’Abidjan

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LA LITTERATURE IVOIRIENNE, LIEU D’ECHANGE ET DE RECONCILIATION

 Du 24 au 28 mai 2017 s’est tenue, au Palais de la Culture de Treichville, la 9è édition du Salon International du Livre d’Abidjan (SILA), une importante rencontre littéraire de la sous-région, qui confirme une production locale du livre en plein essor. Au thème de l’édition 2016, « Le livre, lieu de mémoire et porte d’avenir », succédait celui de 2017 « Le livre au cœur de la famille ». La Côte d’Ivoire confirme ainsi son engagement à faire de sa littérature un lieu d’échange et de réconciliation.

 1.Littérature orale

Comme partout en Afrique noire, la littérature ivoirienne ne commence pas avec la littérature écrite en français. Elle est précédée par une riche littérature orale traditionnelle faite de légendes, contes, épopées, proverbes, etc… La diversité des langues locales ivoiriennes (dioula, malinké, bambara, sénoufou, baoulé, bété, yacouba, agni, …) explique la richesse de ce patrimoine culturel hérité des ancêtres. Les recueils de contes, de légendes et de proverbes de Côte d’Ivoire sont recueillis et traduits en français par François Joseph Amon d’Aby, Marius Ano N’guessan, et d’autres spécialistes de la littérature ivoirienne orale.

 2. Les pionniers

Dès la période coloniale, les pionniers de la littérature écrite ivoirienne vont tenter d’assurer la transition entre une période où l’Africain était encore l’objet de discours produits exclusivement par d’autres, à un stade où il s’approprie le discours sur lui-même, usant de concepts et catégories grâce auxquels il se comprend, lui et ce qui l’entoure. Au nombre de ces aînés, on peut mentionner Aké Loba, Pierre Duprey de la Ruffinière ou Zégoua Gbessi Nokan, mais la figure de proue de la littérature ivoirienne est sans conteste Bernard Dadié, un des meilleurs écrivains de sa génération. Journaliste, homme politique, dramaturge, poète, romancier, et conteur, il utilise sa plume pour éveiller les consciences, publiant des chroniques (« Les Villes », « Un Nègre à Paris », « Patron de New York », « La Ville où nul ne meurt »), des pièces de théâtre (« Monsieur Thôgô-Gnini », « Mhoi ceul », « Béatrice du Congo », « Les voix dans le vent », « Papassidi maître escroc »), des nouvelles (« Légendes Africaines », « Le Pagne noir », « Commandant Taureault et ses nègres », « Les Jambes du fils de Dieu »), des recueils de poésie (« Afrique debout », « La Ronde des jours », « Je vous remercie Mon Dieu », « Les lignes de nos mains »), des récits biographiques (« Climbié », « Carnet de prison »). Un autre pionnier de l’écriture ivoirienne est Ahmadou Kourouma dont le premier roman « Les soleils des indépendances » constitue un sommet de la littérature francophone, où il raconte les injustices imposées en Afrique Noire. Son roman « Allah n’est pas obligé » traite des conflits ethniques et lui obtient le Prix Renaudot. Parmi les têtes de cordée, il faut également citer Bernard Zadi Zaourou, Charles Nokan, Jean-Marie Adiaffi ou Noël Ebony. Maurice Kouakou Bandaman, lauréat du Grand prix littéraire d’Afrique noire en 1993, est l’auteur de nombreux romans, recueils de nouvelles et de poésie dont « Une femme pour une médaille », « La Terre qui pleure », « Nouvelles chansons d’amour », « Sikagnima, la fille aux larmes d’or ».

3.Les héritiers

Suivant la trace des « anciens », une nouvelle génération d’écrivains continue, à partir des années 80, de mettre en lumière la littérature ivoirienne. Parmi eux, on peut citer : Isaïe Biton Koulibaly, Zegoua Gbessi Nokan, Tidiane Dem, Amadou Koné, Grobli Zirignon, Paul Yao Akoto, Jérôme Carlos, Maurice Bandaman, Koffi Kwahulé, Venance Konan, Tiburce Koffi, Serge Bilé, Dieudonné et Niagoran Porquet. Les voix féminines ne sont pas en reste avec Simone Kaya, Fatou Bolli, Tanella Boni, Véronique Tadjo, Fatou Kéïta, Marguerite Abouet, Josette Abondio, Flore Hazoumé, Anne-Marie Adiaffi, Gina Dick, Micheline Coulibaly, Assamala Amoi, Goley Niantié Lou, Ida Zirignon, Regina Yaou. Sans oublier les auteurs de livres pour enfants Fatou Keïta, Annick Assemian, Muriel Diallo, Marguerite Abouet, … Engagées dans des aventures heureuses, elles tracent elles aussi de grands sillons pour les nouvelles générations qui y installeront, à grandes encres, leurs rêves et folies. D’autres auteurs sont des universitaires comme Gnaoulé-Oupoh, Jean-Baptiste Kouamé, Yao N’Guetta. A signaler aussi que plusieurs des artistes ayant contribué à l’épanouissement littéraire de la Côte d’Ivoire viennent des quatre coins de l’Afrique et du monde, par exemple la Sénégalaise Mariama Ndoye, la Camerounaise Werewere Liking, les Françaises Marinette Secco et Marie-José Hourantier.

4. Les jeunes loups

Avec la démocratisation de l’édition ces dernières années, de jeunes passionnés espèrent prendre part, avec des œuvres de qualité, aux débats des littéraires ivoiriens. C’est parmi eux que figure Josué Guébo, écrivain-enseignant chercheur en philosophie, qui a remporté le prix Bernard Dadié 2017 pour la qualité de son poème intitulé « Aux chemins de Babo Naki », un mythe dans lequel il invite les uns et les autres à l’union et à la cohésion autour d’un idéal, la paix. Parmi les « jeunes loups », on peut également citer Marina Niava (prix national du jeune écrivain 2017 pour son œuvre intitulé «  American dreamer »), Camara Nangala, N’Dah François, Fatou Diomandé, Awa Ba, Maïmouna Koné, Philippe Pango, Charles Pemont, Anzatta Ouattara, Moussa Traoré, Marc-Antoine Brou, Fatou Fanny-Cissé, et tant d’autres. Tous posent un regard acéré et sans concession sur notre monde, persuadés qu’il est urgent de construire une Afrique tolérante, ouverte et métisse, une « Afrique-monde » où chacun, quels que soient sa religion, sa carnation, son genre ou ses idées, puisse s’épanouir pleinement. Ces philosophes du quotidien, qui appréhendent les réalités ivoiriennes, africaines et globales à travers les non-dits, déconstruisent les faux-semblants et interrogent les interstices et les marges, invitent tous et chacun à trouver sa propre voie en délaissant les chemins tracés d’avance et les idées toutes faites, afin de forger une humanité fondée sur l’équité et la justice.

 Pascal Gbikpi

 

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