ABIDJAN FÊTE BOOBA

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Après le public huppé du 4 août 2017 à la boîte de nuit de l’hôtel Ivoire, c’était au tour d’une foule de jeunes en délire d’accueillir Booba, lors d’un méga concert en plein air, à l’Ivoire Golf Club. Après 20 ans de carrière, huit disques d’or et cinq disques de platine, Booba continue de trôner sur le rap français et d’enflammer les salles dans le monde. De la prison à la gloire, le message de Booba à la jeunesse est qu’il faut parfois toucher le fond pour rebondir à une hauteur à la taille de son talent.

  • Des racines franco-sénégalaises

Booba, de son vrai nom Élie Yaffa est né le 9 décembre 1976 à Boulogne-Billancourt, d’un père sénégalais et d’une mère française. Son père, né en 1940 à Dakar, part à l’âge de quinze ans pour la France où il fait des études de commerce, travaille comme mécanographe comptable aux éditions Robert Laffont puis Flammarion, officie comme disquaire, pour finalement devenir mannequin, défilant dans toute l’Europe (Paris, Nice, Cannes, Grèce, Allemagne, Italie, …). Il gère ensuite une boîte de nuit et rencontre les plus grands artistes du monde : Myriam Makéba, Manu Dibango, Youssou Ndour Johnny Hallyday, Jacob Desvarieux, James Brown, etc… En 2002, il retourne s’installer définitivement au Sénégal pour vivre tranquillement sa retraite. Lors de son premier voyage au Sénégal, Élie rencontre un de ses cousins nommé Boubakar auquel il rend hommage en prenant le diminutif « Booba ».

  • Succès en chaîne

Après avoir fait ses débuts comme danseur de rap, Booba fait la connaissance de Daddy Ali et se lance dans la chanson. En 1995, ils créent le groupe Lunatic qui fera leur renommée avec les titres « Le Crime Paie » et « Les Vrais Savent ». Après un passage en prison pour un braquage de taxi, Booba se lance dans une carrière solo à partir de 2002, avec l’album « Temps Mort » dont les titres « Destinée », « Ma Définition » et « Repose En Paix » sont des succès. En 2003, il participe à un morceau pour l’album « La vie avant la mort » de Rohff, avec « Rim’k ». « Panthéon » sort en 2004, et une fois de plus, le succès commercial est au rendez-vous. En 2005, Kopp, surnom hérité de son adolescence et qui prolongeait son prénom (afin d’en tirer Élie-Kopp-tère) sort le premier volume de sa série de mixtapes « Autopsie ». En 2006, Booba sort son troisième album solo, « Ouest Side », certifié disque de platine. Deux ans après « Autopsie », « Autopsie Vol 2 » est dans les bacs et devient disque d’or. En 2008, l’album « 0.9 » sort en même temps que celui de son grand rival, Rohff, « Le code de l’horreur ». « 0.9 » est récompensé d’un disque de platine. L’année suivante, « Autopsie Vol 3 » contient des inédits, notamment « Double Poney » et « Fœtus ». Fin 2010, l’album « Lunatic » rencontre un succès important : double disque de platine. En 2011, Booba dédie le clip « Comme une étoile » à son compère du 92, Brams, qui décède. « Futur », sixième album solo, sort en novembre 2012, suivi en 2013 de « Futur 2 ». En 2014, Booba lance son propre site « oklm.com » et en 2015 l’album DUC. Un huitième album « Nero Nemesis » sort moins d’un an après. En mars 2017, il sort la mixtape « Autopsie 0 » qui constitue une compilation de divers morceaux de ses précédentes mixtapes « Autopsie » ainsi que plusieurs autres morceaux. Booba est aussi connu pour ses fréquents accrochages avec d’autres rappeurs comme Sinik, La Fouine ou encore Rohff.

  • Un businessman affirmé

Après avoir créé en 2004 sa marque de vêtement Unkut, Booba lance en 2016 sa propre application #Emojizi. Elu homme d’affaire de l’année 2016 par le magazine GQ, Booba se lance ensuite dans une nouvelle gamme de montres à son effigie. A l’instar de nombreux rappeurs américains, Jay-Z ou P. Diddy (rappeur le plus riche du monde notamment grâce à sa marque de vodka Ciroc), Booba va prochainement sortir sa propre marque de Whisky, baptisée D.U.C. Fabriqué en France et vieilli dans trois sortes de tonneaux, le whisky sera disponible fin 2017. Booba vit depuis plusieurs années à Miami. Il est marié à la vénézuelienne Patricia Cerqueira Vinces dont il a trois enfants, Luna, née en 2014, Omar, né en 2015, et le dernier en 2016.

  • Afrique et liberté créatrice

Booba a signé deux titres aux sonorités africaines qui ont cartonné : « DKR » (comme Dakar, certifié single de platine) et « Kiname » (contraction de Kinshasa et Paname) en featuring avec Fally Ipupa. Booba, qui avait « emprunté » le tube de Sidiki Diabaté « Inianafi Debena » pour son titre « Validée », a invité en retour la star malienne sur sa tournée. Le 5 décembre 2015, ce jeune prodige offrait une prestation sublime sur la scène de l’AccorHotels Arena, à Paris : cinq minutes de kora avant l’arrivée de Booba. Comme Booba, aujourd’hui en France, nombreux sont les artistes qui puisent leurs mélodies dans le gisement sonore du continent noir : Jain avec « Makeba »,  Stromae et la guitare congolaise de « Papaoutai », MHD et ses tubes d’afro-trap, Maître Gims, fils d’un membre du groupe de feu Papa Wemba, et la rythmique de « Sapés comme jamais », Frànçois and the Atlas Mountains et le mini-album« L’Homme tranquille » avec guitare africaine et balafon, Matthieu Chedid et « Lamomali », composé avec les Diabaté père et fils, Toumani et Sidiki, virtuoses de la kora, etc. 70 % des 1,2 milliard d’Africains ont moins de 30 ans et ils sont 120 millions à parler français. Universal Music, propriété de Vivendi, qui ouvre une filiale West Africa à Abidjan (Côte d’Ivoire), ne s’y est pas trompé. Tous les courants naissent d’une rupture avec l’académisme. C’est grâce à la liberté créatrice de l’Afrique que des peintres comme Basquiat ou Hervé Di Rosa se sont affranchis des règles académiques. De même, en musique, l’Afrique s’affranchit de la partition. En plein boom démographique, économique et artistique, le continent africain n’a pas fini d’inspirer le reste du monde.

  • Le rap et les jeunes

Le Rap est aujourd’hui un phénomène social, culturel, médiatique et commercial de grande ampleur. Les rappeurs sont les icônes culturelles dont les messages sont comme l’expression culturelle de la résistance des jeunes au racisme, à l’oppression et à la marginalisation sociale. L’écoute du rap n’est plus réductible aux milieux populaires et aux jeunes les moins diplômés. Le phénomène a débordé la jeunesse des banlieues parisiennes dont la quasi totalité des premiers rappeurs était issue et s’est propagé à travers toute l’Afrique. Pour ses producteurs comme pour la plupart de ses auditeurs, le rap incarne la dimension critique de l’ordre social. Les rappeurs se conçoivent eux-mêmes comme des porte-parole de leur milieu social, des « haut-parleurs », des « journalistes », des « sentinelles », ..Représenter (sa famille, sa bande, son quartier, sa banlieue, les opprimés), témoigner (des réalités de la vie quotidienne et de la révolte des jeunes dans les cités) et susciter une prise de conscience : tels sont les visées explicites des rappeurs. Les rappeurs ne se lamentent pas contre un monde dont ils ne comprendraient pas les logiques. Ils en proposent au contraire une vision d’ensemble d’où se dégage une révolte contre l’injustice, la domination et l’oppression. La pauvreté matérielle se mesure dans le contraste entre leurs familles et celles d’autres habitants du même pays, de la même ville, parfois du quartier voisin.

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  • Egalité des chances ?

Pour les rappeurs, l’égalité des chances est un mensonge de la société moderne et l’injustice qui frappe le pauvre ne tient pas à la fatalité mais est le produit d’une ségrégation sociale innée au système. Leurs récriminations concernent les hommes politiques, la police, la justice, le pouvoir de l’argent, le racisme. Le vaste auditoire qu’ils touchent est le interlocuteur face auquel les jeunes des cités et des quartiers peuvent défendre leur identité blessée, crier leur détresse et leur colère. Cette violence (seulement verbale) est en un exutoire et une réaction de défense qui découlent d’une vision du monde très négative, construite autour de leur expérience de la vie. Fondée sur des réalités objectives (la pauvreté des familles, la dureté et la violence de la vie quotidienne, les faibles chances de promotion sociale, la ségrégation spatiale de la cité par rapport au centre, le racisme, la pression humiliante des contrôles de police, les sanctions judiciaires parfois disproportionnées), cette vision du monde est ordonnée à un profond sentiment. Ce constat souligne l’ampleur du fossé qui s’est creusé entre une partie de la jeunesse et le reste de la société. Il indique aussi l’échec prévisible de toute politique publique qui ne saura pas restaurer avec ces jeunes le dialogue et la confiance.

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