LE BARRAGE DE KOSSOU : UNE RICHE HISTOIRE HUMAINE ET TECHNIQUE

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LE BARRAGE DE KOSSOU : UNE RICHE HISTOIRE HUMAINE ET TECHNIQUE

Le barrage de Kossou, construit en 1970 sur le Bandama Blanc, est le premier grand ouvrage hydraulique de la Côte d’Ivoire. Si les uns éprouvent un sentiment de nostalgie, pensant qu’une certaine sagesse est restée enfouie à tout jamais au fond du lac, pour d’autres, Kossou ressemble à une perle insérée dans un écrin de verdure et d’eau, que rien ne paraît pouvoir ternir. Trait d’union entre le passé et l’avenir, Kossou fut une aventure humaine et technique exceptionnelle, destinée à faire naître un formidable ouvrage d’art qui a durablement transformé le paysage et le mode de vie du pays Baoulé. Simple outil destiné à permettre de transformer l’eau en électricité, Kossou est aujourd’hui devenu un bijou de la biodiversité en même temps d’un lieu magique.

  • Réalisation

Le barrage de Kossou a été construit de 1969 à 1972 sur le Bandama Blanc, appelé ainsi par opposition au Bandama Rouge, autre nom de la Marahoué, affluent du Bandama. L’ouvrage a créé un lac de 150 kilomètres de long, recouvrant 1 700 km2, soit trois fois le Lac Léman (580 km2), bien loin cependant de la taille du lac Volta, le plus grand lac artificiel du monde (8 500 km2), créé par le barrage d’Akossombo au Ghana. En plus de la production électrique (550 millions de kwh), le barrage de Kossou a permis la création de grandes surfaces d’agriculture irriguée (environ 50 000 ha) et de pêche (20 000 t de poisson par an). L’opération de construction du barrage a touché huit sous-préfectures du pays : sur la rive gauche, Béoumi, Bodokro, Tiébissou, Sakassou et Yamoussoukro, et sur la rive droite, Bouaflé, Gohitafla et Kounahiri. Le barrage de Kossou a nécessité la mise en place de près de 3 000 000 m³ de remblai, 2 500 000 m³ d’enrochements et 60 000 m³ de béton. Les travaux, entamés en 1969, se sont achevés trois ans plus tard. Cofinancés par l’État ivoirien, les États-Unis et le Canada, les efforts des constructeurs ont été salués, lors de l’inauguration du barrage le 18 novembre 1972, par un message du président Nixon.

  • Déplacement

Le lac créé par la construction du barrage de Kossou a immergé plus de 200 000 hectares de forêts, savanes, plantations de café-cacao et de villages, soit 5,6 % de la surface géographique totale de la région. L’engloutissement par les eaux de ces immenses surfaces a entraîné le déplacement de plus de 100 000 personnes et l’abandon de très nombreux sites habités. Le projet Aménagement de la Vallée du Bandama (AVB) a réinstallé la soixantaine de villages submergés par le lac. L’AVB a également mis en place un programme de formation aux techniques des pêches des riverains autochtones. Les pêcheurs formés et installés ont par la suite abandonné leurs activités de pêche pour se consacrer à la production du café et du cacao. L’espace ainsi libéré sur le lac a entraîné l’occupation du plan d’eau de Kossou par les pêcheurs maliens (Bozos et Somono).

  •  Reine Pokou

Le président Félix Houphouët-Boigny avait pris lui-même en main la supervision de la construction de Kossou. Il raconte : « Lorsque nous avons décidé la construction du barrage de Kossou, j’ai appelé Aoussou Koffi. Sa famille, arrivée dans la région avec les compagnons de Boigny N’Dri, s’est installée à une vingtaine de kilomètres de Yamoussoukro ; il est mon cousin. C’est lui que j’ai affecté à la direction de la nouvelle Autorité pour la Vallée du Bandama (AVB) parce que je savais qu’il allait devoir affronter un problème très délicat : celui de l’immersion des tombes. Lorsqu’il fallut aborder avec les villageois baoulés la question des tombes de leurs ancêtres qui allaient disparaître sous les eaux, nous rencontrâmes l’hostilité de tous. Je les comprenais : les Baoulés ont le culte des morts, et il faut être Baoulé pour ressentir la peine immense causée par l’idée de ne plus pouvoir voir les tombes de leurs parents. Mais je leur ai dit que la Reine Pokou a dû sacrifier son unique enfant dans les flots du fleuve Comoé pour obtenir le passage des Baoulés. Et je leur ai dit qu’on leur demandait aujourd’hui de sacrifier les tombes de leurs aïeux. Ils se sont retirés, et en revenant, ont dit : « Nous ne ferons pas moins que la Reine ». Deux cents villages ont été immergés ».

  •  Lac

Le site offre aujourd’hui un spectacle de toute beauté. Passée la centrale hydroélectrique, Notre-Dame du Lac, une madone aux traits paisibles, accueille le visiteur à l’entrée de la digue. Sur la gauche, les méandres du Bandama se perdent dans une végétation luxuriante, tandis qu’à droite le lac de Kossou s’étend à perte de vue, laissant à peine apercevoir l’ondoiement des collines qui l’entourent. Les barques de pêcheurs ne contribuent pas moins à la majesté du paysage. Leurs gestes maîtrisés, depuis leurs embarcations qui semblent posées, immobiles sur l’étendue lisse et silencieuse du lac, offrent un spectacle inoubliable dans un décor grandiose. Avant d’accéder au barrage de Kossou, on traverse les vastes champs de cacao et de café de Toumbokro (1 500 hectares de cacaoyers et 500 hectares de caféiers) qui furent rachetées à un colon par Houphouët-Boigny. Celui-ci les agrandit et les rétrocéda à l’État en 1977.

  •  Electricité

L’électricité hydroélectrique aujourd’hui produite en Côte d’Ivoire provient de 6 barrages : Ayamé 1 (1959), Ayamé 2 (1965), Kossou (1972), Taabo (1979), Buyo (1980), Fayé (1983) et Soubré, le plus important, inauguré fin 2017. L’énergie hydroélectrique assure 40 % de la production totale d’électricité, les 60 % restant provenant des centrales thermiques Azito et Ciprel. D’autres barrages hydoélectriques sont prévus : Singrobo-Ahoualy (en aval de Taabo), Gayo et Tayadi (en amont de Buyo), Gribopopoli, Bouloubré et Louga (en aval de Soubré). Les autres énergies renouvelables sont également visées avec la mise en place de plusieurs parcs d’éoliennes. Les besoins en électricité du pays ne cessent de croître avec la consommation des ménages mais aussi celle des industries, dont en particulier le secteur minier qui débute à peine l’exploitation des riches gisements d’or, manganèse, cuivre, fer, bauxite et diamant. L’hydroélectricité est la première source d’énergie renouvelable en Côte d’Ivoire et dans le monde. Elle ne dégage pas de gaz à effet de serre, ne produit pas de déchets toxiques et offre des réserves d’eau qui se reconstituent en permanence. De plus, c’est une énergie économique, son coût de production étant parmi les plus bas des modes de production d’électricité, même si les investissements de départ sont très onéreux.

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