Du 16 au 17 avril 2016, un ensemble de manifestations a marqué le 150è anniversaire de l’arrivée des premiers libanais en Guadeloupe. Plusieurs centaines de personnes, venues de partout (Guadeloupe, France, Liban, Etats-Unis, Canada, …), ont célébré la présence du Liban en Guadeloupe et la façon dont son patrimoine, sa culture et son identité sont venues enrichir l‘âme et la diversité de la Guadeloupe.
1.Immigration et intégration
La première journée, 15 avril 2016, a été consacrée à un cycle de conférences données au Memorial Act, sur le thème « Immigration et intégration ». Les conférenciers étaient Ghady El Khoury, chargé d’affaires du Liban en France, Gérard Lafleur, historien, Gérard Bulin-Xavier, socio-anthropologue, Mgr Maroun-Nasser Gemayel, évêque en charge des maronites d’Europe.
2.Plaque commémorative
L’après-midi du samedi 16 avril 2016 a été consacré à l’inauguration de la plaque commémorative de l’arrivée des libanais en Guadeloupe en 1866. Le lieu choisi pour la pose de la plaque était un immeuble de la place du marché central de Pointe-à-Pitre, lieu emblématique de l’activité commerciale des immigrés libanais. Des allocutions ont été préparées par plusieurs personnalités : Colette Koury, présidente de la Chambre de Commerce et d’Industrie des Îles de Guadeloupe, Mme Borel-Lincertin, présidente du Conseil Général, Ary Chalus, président du Conseil Régional de Guadeloupe, Jean-Michel Jumez, sous-préfet de Pointe-à-Pitre, Jacques Bangou, maire de Pointe-à-Pitre.
3.Soirée culturelle
La soirée culturelle qui s’est déroulée à la Résidence Départementale du Gosier avait pour but de présenter et promouvoir la diversité culturelle de la présence libanaise en Guadeloupe.
Jacques Billant, Préfet de Guadeloupe, a rappelé que depuis 150 ans, la Guadeloupe et la France s’enrichissent de la culture, de l’expérience et du savoir faire de ses ressortissants libanais. Ils ont contribué au lien entre les différentes communautés de la Guadeloupe. Ils ont aimé et servi la Guadeloupe et la France, lui faisant bénéficier des progrès de l’innovation qu’ils ont apportée avec eux. Ils se sont engagés avec force à la construction d’un avenir commun. Le groupe « Dabké à Paris », dont huit danseurs ont fait ont le déplacement en Guadeloupe, a offert dans ses danses toute la poésie de l’âme libanaise, avec une grâce, une fraîcheur et une élégance dont elle seule a le secret. Le plaisir de voir danser ces quatre jeunes hommes et ces quatre jeunes femmes était immense. Adham Chalhoub, accompagné de son luth oriental a fait vivre aux invités de la soirée culturelle libanaise, son large répertoire de chants maronites traditionnels et modernes. Adham Chalhoub se situe au coeur de la culture de la grande civilisation libanaise et invite à parcourir la richesse de la tradition musicale du Liban à travers toutes les formes qui en font un univers culturel unique au monde. Ambassadeur de la culture de son peuple, Adham Chalhoub a su développer et promouvoir la musique libanaise traditionnelle et contemporaine hors de tout folklorisme réducteur et proposer des chants où fusionnent avec bonheur l’authenticité de l’Orient et la musique contemporaine. Gaby Odeimi a largement fait la démonstration que si les musiques de l’Orient ont pu survivre jusqu’à aujourd’hui, c’est parce qu’elles sont parmi les musiques les plus ouvertes aux innovations, tout en s’appuyant sur la tradition. Enraciné dans l’histoire millénaire du Liban et ouverte sur l’universel, le clavier oriental de Gaby Odeimi ne se réduit pas à sa dimension technique ; sa finalité ultime est de donner du sens et de transmettre l’émotion de l’âme libanaise. La troupe Kamodjaka de Morne-à-l’eau était là pour rendre hommage aux Guadeloupéens d’origine libanaise. La troupe a évolué sous la direction de sa créatrice, Raymonde Pater-Torin, chorégraphe, metteur en scène et scénographe de l’association. Carole Venutolo a chanté « Imani Ahla Iman », un chant arabe d’amour du Liban : « Ma foi est la plus belle, l’amour de Dieu et l’amour du Liban, Ô Dieu, garde le Liban ». Depuis 21 ans (1995), Carole Venutolo s’attache, à travers toutes ses interventions, à démocratiser le chant lyrique en Guadeloupe.
4. Messe solennelle en liturgie maronite
Les cérémonies marquant le 150è anniversaire de l’arrivée des premiers libanais en Guadeloupe se sont achevées par une messe solennelle en rite maronite présidée par Mgr Jean-Yves Riocreux, évêque de la Guadeloupe et Mgr Maroun-Nasser Gemayel, évêque de l’Eparchie Notre-Dame du Liban de Paris. Mgr Gemayel a remercié tous ceux qui ont préparé ces fêtes des 150 ans de l’arrivée des libanais en Guadeloupe. Elles donneront un nouveau dynamisme à la communauté libanaise en Guadeloupe et à l’amitié entre ces deux peuples. Ces festivités ont été une expérience unique qui a réuni les cultures libanaise et guadeloupéenne et qui invite à construire un avenir meilleur, marqué par le brassage et le mélange des identités. Mgr Riocreux a indiqué combien, par la présence du Liban en Guadeloupe, l’Orient nous montre le chemin de l’oecuménisme, lequel n’est pas celui de l’uniformité. Il a rappelé la présence dans l’église de Saint Pierre Saint Paul de la grande icône de Saint Charbel, ce grand saint donné par l’Eglise maronite au monde entier. Il a demandé à Mgr Gemayel de transmettre au Cardinal Bcharra Raï, patriarche des maronites, une invitation à visiter la Guadeloupe. Les fidèles guadeloupéens, quant à eux, sont décidés à aller très bientôt au Liban pour mettre leurs pas dans ceux des grands saints de cette terre d’Orient.
5. La diaspora libanaise
La diaspora libanaise est l’une des plus importantes diasporas mondiales, aussi bien par son ancienneté que par son ampleur. On compte en effet près de 5 millions de libanais dans le monde, soit plus que la population du Liban lui-même. Les premiers libanais arrivés en Guadeloupe font partie de cette grande vague d’émigration partie du Liban au cours du 19è siècle, après les affrontements entre communautés religieuses qui prennent place entre 1840 et 1860. Un siècle plus tard, la communauté libanaise s’enrichit à la suite d’une deuxième vague d’émigration due à la guerre civile libanaise qui s’est déroulée de 1975 à 1990.
6. Une intégration réussie
D’abord désorientés par l’univers qu’ils découvrent, les libanais trouvent vite leur place en Guadeloupe. Le respect qu’ils manifestent au pays qui les accueille les amène à vivre dans la discrétion. Au niveau du petit commerce, leur rôle est important auprès des masses populaires désargentées. Mais tous ne restent pas commerçants et nombre d’entre eux deviennent médecins, avocats ou responsables politiques. Contribuant largement à l’histoire économique, sociale et religieuse de la Guadeloupe, l’intégration des libanais se fait progressivement dans une société guadeloupéenne devenue multiraciale et multiculturelle au cours des siècles. Même si leur influence est plus récente que celles des peuples qui les ont précédés (caraïbes, français, africains, indiens, chinois, …), il n’en demeure pas moins qu’ils ont apporté leur pierre à la construction de l’identité guadeloupéenne dont ils sont devenus une composante incontournable.
7. Premiers arrivants
Aujourd’hui encore, les enfants et petits enfants des premiers arrivants libanais ressentent admiration et émerveillement lorsque leurs sont contés les périples, les aventures et la vie de leurs aïeux. Ils éprouvent une infinie admiration pour ces voyageurs qui partaient sans savoir où ils allaient, fuyant les combats et les massacres liés à des guerres religieuses ou confessionnelles. Ils partaient pour l’Europe, l’Afrique, et les Amériques sans savoir s’ils reviendraient un jour. Quant aux guadeloupéens, en côtoyant les libanais, la langue et la musique arabes leur sont devenues familières et ils imaginent ce que peut être le Liban, ses habitants, ses paysages et une âme que les siècles ont conservé intacte.
8. Sanctifier la famille
Même s’ils ont su intégrer à leur mode de vie des éléments culturels issus des autres communautés qu’ils côtoient journellement, les libanais de Guadeloupe sont restés viscéralement attachés à leurs magnifiques valeurs issues de la tradition maronite. Née du rayonnement d’un homme, Saint Maron, moine et ascète du 4è siècle, l’Eglise maronite plonge ses racines dans la radicalité évangélique. Ainsi, pour les maronites, il faut passer de la contemplation de Dieu de l’intérieur du couvent à sa contemplation dans la vie de tous les jours et d’abord au sein de la famille que parents et enfants s’attachent à sanctifier par la prière, l’amour et le zèle.