Meeting International de Baie-Mahault
Ce samedi 14 mai 2016, au stade de Baie Mahault, s’est déroulée la 12è édition du Meeting Internationald’Athlétisme de la Grande Caraïbe. Homologué par les plus hautes instances de l’athlétisme international (IAAF, FFA, …), ce meeting est devenu une étape incontournable du calendrier mondial.
- Un rendez-vous devenu incontournable
Le Meeting International de Baie-Mahault a vu passer, depuis sa création en 2004, les plus grands noms de l’athlétisme : Marie-Josée Pérec, Christine Arron, Lashawn Merritt, Usain Bolt, Maurice Green, Allen Johnson, Angelo Taylor, Dayron Robles, Leslie Jones, Patricia Girard, Ladji Doucouré, Jeremy Wariner, Ronald Pognon, Marc Raquil, Wilhem Belocian et bien d’autres. Cette année, l’invité d’honneur de la rencontre est Tommie Smith, vainqueur américain du 200 m aux JO de Mexico en 1968. Avec son compatriote John Carlos, ils étaient monté sur le podium en chaussettes noires montantes et, têtes baissées, avaient levé un poing ganté de noir pendant l’hymne américain. Antoine Cherubin, ancien entraîneur national des équipes d’athlétisme aux jeux Olympiques de Los Angeles et de Séoul, qui forma sur place les grands athlètes guadeloupéens, est également là.
- Les résultats 2016
Le meeting international d’athlétisme 2016 Région Guadeloupe a tenu toutes ses promesses. Six records dumeeting ont été battus et certains athlètes ont même réalisé les minimas pour les Jeux Olympiques 2016 de Rio.
Dans l’épreuve reine du 100 mètres, Asafa Powel (Jamaïque) est le vainqueur en 10 »04, devant l’américain Deondre Batson (10 »15) et le canadien André de Grasse (10 »20), étoile montante de l’équipe Puma. Assafa Powell bat ainsi son propre record de 10 »08 obtenu à Baie-Mahault en mai 2015. Il a confirmé qu’il souhaitait s’aligner sur le 100 m et le 110 m haies à Rio.
Sur le 200 m, Lashawn Merritt (USA) s’est imposé en 20″15, devant son compatriote Beejay Lee (20 »31) et le canadien André DeGrasse (20 »46). Lashawn Merritt s’est dit très flatté d’avoir entendu Tommie Smith dire que « Merritt a créé une science du 200 m ».
Kirani James (Grenade), champion olympique et champion du monde en titre, a remporté le 400 m en 44 »15, battant largement le record de 44 »34 obtenu à Baie-Mahault 2008 par Lashawn Merritt. Ainsi, Kirani ne se place pas très loin du record du monde, détenu depuis 17 ans, par l’Américain Michael Johnson. Lui aussi a pour objectif une victoire à Rio.
En saut en hauteur, Donald Thomas (Bahamas) a franchi 2,31 m et en longueur Marquise Goodwing (USA) a atteint 8,45 m, dépassant son record personnel de 12 cm et réalisant la meilleure performance mondiale, auparavant détenue par le sud-africain Rushwal Samaai avec 8,34 m.
Les femmes n’ont pas été en reste. Sur le 100 m féminin, English Gardner (USA) a établi un nouveau record dumeeting en 11 »04 battant les 11 »05 obtenu par Christine Arron en 2004. Sur le 100 m haies, Kristi Castlin (USA) a réalisé 12 »69, battant ainsi le précédent record obtenu par Damu Cherry à Baie-Mahault 2010 avec 12 »70. La finale de ce 100 m haies était presque exclusivement américaine, la guadeloupéenne Chrystie Lange étant la seule non américaine et se classant à la 8ème place. Dans le 400 mètres, Francesca McCorory (USA) s’est imposée en 50″73, effaçant le précédent record obtenu à Baie-Mahault 2010 par Indira Johnson (Cuba) avec 50″94. En saut en longueur, Kenyattia Hackworth (USA) a atteint 6,61 m devant Bianca Stuart (Bahamas) à 6,52 m et Chantel Mahone (Iles Vierges) à 6,21 m. Toutes ont en tête Rio 2016, bien conscientes qu’il s’agit d’un énorme évènement avec une forte sollicitation médiatique.
- Derrière les paillettes, des montagnes de travail
Ce qui est marquant quand on regarde ces champions et championnes venus à la rencontre de Baie Mahault, c’est leur jeune âge et la précocité avec laquelle ils et elles ont débuté leur carrière sportive. Même si, au départ, un jeune est doué et passionné, la charge de travail qu’il devra accepter est lourde et contraignante, avec des entraînements quotidiens, longs, fatigants et stressants, laissant peu de temps pour la vie personnelle. On imagine alors la somme de discipline, de renoncements et de privations que ces sportifs se sont imposés dès l’adolescence. Derrière les paillettes et les feux de la rampe, le sport de haut niveau cache une face qu’on méconnaît souvent, celle des sacrifices que ce métier implique. Parmi ces sacrifices, un des plus durs est celui de la vie de famille, souvent amputée par les déplacements et les compétitions de fin de semaine. La vie d’un sportif de haut niveau s’apparente bien souvent à celle d’un moine, faite d’entraînements intensifs, de régimes alimentaires stricts, d’une hygiène de vie et d’une autodiscipline permanente. Sans compter les risques de blessures qui peuvent compromettre sa carrière. Quant à l’état mental du sportif, il est loin d’être spontané. Lui aussi s’acquiert au prix d’efforts permanents. Pour réussir, il lui faut en effet s’armer de nombreuses qualités mentales : savoir ce que l’on veut et y parvenir à force de volonté, de rigueur et de discipline, pouvoir gérer son stress, sa motivation et ses pensées, apprendre à s’affranchir du regard des autres qui juge, déstabilise et empêche de donner le meilleur de soi-même, savoir combattre l’inertie des stéréotypes, trouver son style et sa personnalité et, avec eux, réussir à atteindre ses objectifs, se donner le droit à l’échec pour mieux gagner plus tard, … Sans compter la confiance en soi, la motivation, la concentration et la détermination qui sont autant de qualités indispensables pour parvenir à cet investissement total du sportif.
Mais, approchons ces sportifs venus de la Caraïbe et des Etats-Unis. Au fil de la conversation, ils nous livrent des choses qui nous aident à mieux comprendre leur choix de vie, avec ses joies mais aussi ses contraintes, une vie où le hasard n’existe pas et cède la place au travail et à l’exigence au quotidien.
- Assafa Powell
Assafa Powell naît le 23 novembre 1982 à Spanish Town, en Jamaïque, le plus jeune d’une fratrie de six garçons dont les parents, William et Cislin Powell, sont tous deux pasteurs de la Redemption National Church of God Asafa pensait devenir mécanicien. C’est Stephen Francis, entraîneur du club MVP qui le repère pour la première fois en 2001, alors qu’il n’a que 18 ans et que son meilleur temps pour le 100 m est 10 »85. A force de travail et d’un entraînement de fer, Asafa bat le record mondial pour la première fois à Athènes le 14 juin 2005 en 9 »77, puis améliore cette performance à Rieti (Italie) en 9 »74 le 9 septembre 2007. Il perd ce record l’année suivante au profit d’Usain Bolt. Par la suite, ses médailles d’or s’accumuleront : JO de Beijing 2008 pour le 4X100 m, championnats du monde de Berlin 2009 pour le 4X100m, de Beijing 2015 pour le 4X100 m, et Jeux du Commonwealth à Melbourne 2006 pour le 100 m et le 4X100 m.
La performance d’Asafa Powell est d’autant plus remarquable que contrairement aux autres champions des Caraïbes qui partent très tôt s’entraîner dans les universités américaines (Donovan Baile, Ben Johnson, Linford Christie, devenus canadiens, Merlene Ottey, devenue slovénienne, ou encore Veronica Campbell, diplômée de l’University of Arkansas), il n’a jamais quitté la Jamaïque et est toujours resté l’élève de Stephen Francis, bien que son club, le MVP, soit désargenté, mal équipé, et perdu dans un quartier déshérité de Kingston. « Je suis chez moi ici, avec mes amis. Je suis à l’aise. Je n’ai pas de souci. Et les gens sont fiers qu’un de leurs champions soit resté en Jamaïque » confie Assafa.
Le club MVP de Stephen Francis a produit ses premiers champions jamaicains au niveau international avec Brigitte Foster-Hylton, médaille d’argent au 100 m haie des Championnats du Monde d’Athlétisme de 2003, Germaine Mason, n°2 mondiale de saut en hauteur en 2004, Michael Frater, second mondial du 100 m en 2005, et Sherone Simpson championne mondiale du 200 m. Mais c’est Assafa Powell qui a donné au MVP sa renommée mondiale.
Assafa Powell a perdu deux frères : Michael tué par balle en 2002 dans un taxi new-yorkais, et, un an après, Donovan, mort d’une attaque cardiaque en plein match de football américain. Asafa a alors pensé abandonner l’athlétisme mais sa famille le convainc de persévérer dans sa voie.
Bien que depuis plusieurs années, Asafa Powell court dans l’ombre d’Usain Bolt, le soutien et l’admiration de ses fans se sont jamais démentis. Pour eux, Powell est celui qui, avec Usain Bolt, a élevé la Jamaïque aux plus hauts sommets mondiaux. Ce mot de réconfort d’Usain Bolt devant la tristesse d’Asafa après sa 7è place aux championnats mondiaux à Beijing en 2015, en dit long sur l’affection presque unanime que les Jamaïcains porte à Assafa : « Frérot, reste fort. Ne gâche pas ce long voyage et ces sacrifices que nous venons tous de faire ».
- Lashwan Merritt
Lashawn Merritt, né le 27 juin 1986 à Portsmouth, en Virginie, est spécialiste du 200 m et du 400 m. Ses médailles d’or olympiques sont celles obtenues à Pékin 2008 sur le 400 m et le 4 X 400 m. Aux championnats du monde, il remporte le 4X400 m à Helsinki en 2005, le 4X400 m à Osaka en 2007, le 400 m et le 4X400m à Berlin en 2009, le 4X400 m à Daegu (Corée du Sud) en 2011, le 400 m et le 4X400m à Moscou en 2013, et le 4X400 m à Pékin en 2015. Il a remporté la Ligue de Diamant pour le 400 m en 2013 et 2014, ainsi que la Finale Mondiale de l’Athlétisme à Stuttgart en 2007 sur le 400 m et à Thessalonique en 2009 sur le 400 m
En octobre 2010, après avoir subi trois contrôles antidopage positifs à la DHEA (stéroïde anabolisant), Merritt est suspendu 21 mois et ne peut participer aux Jeux Olympiques de Londres de 2012. Le CIO a en effet expliqué : « La règle est très claire. Tout athlète suspendu plus de six mois est inéligible pour l’édition des Jeux Olympiques suivante ». Merritt explique qu’il n’a jamais utilisé de produit destiné à améliorer ses performances. C’est après avoir utilisé un produit pour des fins autres que ses résultats sportifs qu’il a été contrôlé positif.
- André de Grasse
André De Grasse est né le 10 novembre 1994 dans l’Ontario (Canada). Son père, Alex Waithe est originaire de la Barbade d’où il a émigré au Canada. Sa mère, Beverley de Grasse, a également émigré au Canada, venant de Trinidad-et-Tobago. A 19 ans, André remporte deux médailles lors des Championnats panaméricains juniors de 2013. Lors des championnats du monde de Pékin, il remporte la médaille de bronze du 100 m, derrière Usain Bolt et Justin Gastlin. Ayant découvert l’athlétisme il y a juste quelques années, André de Grasse a bien le potentiel pour devenir la prochaine star mondiale de la piste.
- English Gardner
English Gardner est née aux Etats-Unis le 22 avril 1992. Avant même sa naissance, sa mère, Monica, décide de lui choisir un prénom qu’il serait difficile de ne pas remarquer. English Gardner brille dès l’âge de 12 ans et à 15 ans court le 200 m en 23 »60. L’année suivante, elle commence à pratiquer le 100 m à haut niveau et devient vite la quatrième coureuse des Etats-Unis. En 2013, elle remporte le titre du 100 m des championnats NCAA en descendant pour la première fois sous les 11 secondes (10 s 96). Aux championnats du monde de Moscou 2013, elle termine 4è du 100 m et 2è du 4 X 100 m derrière la Jamaïque. Aux championnats du monde de 2015, elle est éliminée en demi-finale, mais obtient l’argent au relais, comme en 2013. English sait que la route menant aux médailles peut être longue et que le succès n’est pas assuré. La passion pour son sport est le moteur indispensable à son travail mais elle ne suffit pas. Il faut des efforts quotidiens pour une condition physique toujours remise en cause.
- Kristi Castlin
Kristi Castlin est née le 7 juillet 1988 à Atlanta, dans l’Etat de Georgie, aux Etats-Unis, dans une famille de quatre enfants (deux garçons et deux filles). Ce n’est que la dizaine passée qu’elle s’aperçoit qu’elle court plus vite que ses camarades de classe et commence à s’intéresser à l’athlétisme. A l’âge de douze ans, elle traverse une effroyable épreuve : la mort de son père. Seul l’amour des siens et sa foi lui permettront de surmonter cette terrible souffrance. Avec le temps, elle comprendra que ce père qui avait cru très tôt en ses talents sportifs, continue plus que jamais de la soutenir du haut du ciel, et avec encore plus de force que s’il était présent sur terre. Désormais, c’est dans le plus secret de sa conscience qu’il lui parle, lui dit de ne jamais baisser les bras et l’aide à devenir ce qu’elle rêvait d’être : une sportive professionnelle.
Au lycée qu’elle fréquente, le Chapel Hill High Scholl, elle bat le record de la Georgie en 100 m haies avec 13 »73. Terminant son cycle secondaire parmi les cinq meilleures élèves, elle obtient une bourse pour l’université, le Virginia Tech, où elle obtient une licence en sciences politiques. Elle y bat les records de 60 m et 55 m haies. Après plusieurs médailles nationales, elle participe à sa première rencontre internationale au championnat panaméricain junior de 2007 où elle remporte une médaille d’or au 100 m haies avec 13 »02. Elle entame sa carrière professionnelle en 2011 et représente les Etats-Unis aux championnats mondiaux d’athlétisme en salle de 2012. En 2014, elle bat, Brionna Rollins, la championne du monde de 100 m haies.
Aujourd’hui, plus que jamais, Kristi Castlin découvre les vraies valeurs de la vie et du sport, à savoir le courage, la discipline et la persévérance. Pour elle, la compétition sans intériorité est un monde vide et seule sa foi l’aide à faire du sport un métier qui la comble et ne cesse de la motiver. Les JO de Rio commenceront le 5 août 2016 et, pour Kristi Castlin, l’objectif est clairement la médaille d’or.