Samedi 26 mars 2016, nous avons assisté à une « puja » dans une famille hindoue de Port-Louis. La « puja » occupe une place très importante parmi les rituels hindous. Il s’agit d’un rite d’offrande à Dieu qui en retour apporte à la personne des vibrations spirituelles menant à Lui.
● Le sens de la puja
Tout ce qui est offert à Dieu nous est retourné sous une autre forme. Toute action accomplie en ce monde nous revient sous une forme ou une autre. Si nous offrons une puja à Dieu, Il nous le rend sous forme de bénédictions, de même qu’une plante qui reçoit de l’eau et de la lumière, nous le rend en produisant des fleurs et des fruits. La puja est conduite dans un temple ou à la maison, par un prêtre, en présence de la famille ayant demandé la cérémonie et de ses amis. L’autel devant lequel se déroule le rite d’adoration comporte une ou plusieurs statues, qui représentent les dieux domestiques de la maison. Sur l’autel, se trouvent aussi neuf feuilles remplies de riz et représentant les neufs planètes. La pûja est en effet également une intercession auprès des divinités des astres célestes pour contrer les aspects astrologiques néfastes. La puja est destinée à provoquer la « descente » de la divinité à l’intérieur de la statue la représentant. Dans la famille qui nous recevait, les divinités étaient Ganesh, le dieu à tête d’éléphant porteur de chance, Shiva, le bienfaisant, celui qui porte bonheur, et Hanuman, le dieu-singe de la sagesse. La cérémonie était conduite par un prêtre brahmane. En effet, dans l’hindouisme, les rites rendus aux divinités constituent une véritable « science », ce qui pousse les familles à faire appel à un spécialiste des pujas qui a étudié les textes religieux écrits en langue sanskrite et qui connaît les formules consacrées.
● L’ordre cosmique de l’univers
Au-delà de la beauté des rites de la puja, son sens profond doit être relié à l’ordre du monde tel qu’il est vu dans l’hindouisme. Dans la tradition hindouiste, l’individu n’est pas au centre de l’Univers. Il a une place assignée comme les autres êtres dans l’ordre cosmique. La conception hindouiste n’est donc pas anthropocentrique ou théocentrique, mais cosmocentrique, vision du monde où l’individualité est considérée comme subordonnée et secondaire, au regard de l’harmonie globale du cosmos. La conscience n’est pas enfermée dans l’intelligence humaine, qui en est le récepteur plutôt que le producteur, mais constitue un champ qui se partage et se communique sans discontinuité à travers tout le cosmos. L’hindou a le sentiment que les phénomènes naturels sont dotés de vie et constituent des manifestations de l’Esprit avec lesquelles il est relié comme à des parents. Il ne peut donc pas les traiter comme de simples objets et cela implique forcément une réciprocité éthique et un usage respectueux.
● Cosmocentrisme
La vision cosmocentrique de l’hindouisme remet l’homme à sa juste place, à la manière de l’eau, qui finit toujours par rejoindre son niveau. La terre ne lui appartient donc pas, c’est lui qui appartient à la terre. Son rôle est d’être un élément de la nature, et non pas d’en être le seigneur. Le soleil est un organe vital plus important que ses yeux et la terre est plus essentielle à la vie que ses jambes. A quoi bon des yeux sans lumière, des jambes sans terre, des poumons sans air ou une bouche sans eau ? Telle est la hiérarchie naturelle des organes vitaux du corps global auquel l’hindou participe, sans qu’une mégalomanie malvenue ne vienne fracturer l’unité homme-nature. Tout le devoir du sujet hindou consiste donc à rester à sa place, à faire ce qu’il lui est demandé de faire là où il naît, car la naissance est le résultat des actes passés. Chacun des actes, au-delà de l’effet immédiat qu’il peut produire, se prolonge par le mérite ou le démérite qu’il engendre et a une portée religieuse pour l’avenir de celui qui l’exécute. Parmi les actes les plus importants et les plus fréquents, il y a le rite de « puja ». Chacun est responsable de sa destinée et la « puja » doit ainsi être accomplie par celui-même qui apporte l’offrande. On peut donc mesurer l’importance des « pujas » dans le quotidien des hindous tant par la place qu’elles occupent que par le symbolisme qu’elles véhiculent à travers l’adoration des statues et des images des dieux et des divinités.
● Ganesh
Dans l’hindouisme, Ganesh est le dieu de la sagesse, de l’intelligence, de l’éducation et de la prudence, le patron des écoles et des travailleurs du savoir. Reconnaissable à sa tête d’éléphant, il est sans doute le dieu le plus vénéré en Inde et son aura touche même tout le sous-continent indien et l’Asie en général. Il est le fils de Shiva et de Parvati, l’époux de Siddhi (le Succès), Buddhi (l’Intellect) et Riddhi (la Richesse). Les attributs les plus fréquents de Ganesh sont : la hache (parashu), arme classique de Shiva, détruit désir et attachement et donc supprime agitation et chagrin ; le nœud coulant (pasha) qui sert à capturer l’erreur ; l’aiguillon à éléphant (ankusha) symbole de sa maîtrise sur le monde : la défense cassée, que Ganesh utilisa pour écrire les Veda ; la mâlâ, une guirlande ou un chapelet comportant 50 éléments, les 50 lettres de l’alphabet sanskri ; le gâteau ou le bol de friandises, douceur qui récompense le chercheur de vérité. Ganesh est le plus souvent assis, sur un trône de lotus, une jambe repliée, l’autre jambe pendante, dans une posture décontractée. Ganesh est un des symboles de l’union entre le macrocosme et le microcosme, le divin et l’humain. Cette symbolique se retrouve dans les tailles respectives de Ganesh, l’éléphant, le plus grand animal terrestre, et son vâhana, le rat, un très petit mammifère. Dans sa représentation, la partie inférieure est la partie humaine et la partie supérieure, la tête, est la partie éléphantine et divine. Il est un homme mais son esprit est à l’image du cosmos, il peut donc, par la puissance de la pensée, écarter les obstacles de l’ignorance et comprendre la nature de l’univers. Il porte parfois un cobra royal en cordon ou sous forme de ceinture ou posé sur la tête, en symbole de protection. Le début du rite de la puja est indiqué par le tintement d’une clochette que le prêtre agite. Puis, le prêtre brahmane, tout en répétant les prières, meut lentement un cercle de camphre enflammé, pendant que la mère de famille dispose, dans des coupes posées sur l’autel des divinités, des fruits et des guirlandes de fleurs odorantes qui parfument la maison, tout en murmurant les « mantras » et en faisant les invocations au dieu Ganesh. Toutes sortes de lumières (bougies, cierges, lampions remplis de beurre) décorent l’autel.
● Hanuman
Dans l’hindouisme, Hanumân est le Fils de Vayu ou de Pavan, le dieu du vent. Il a l’apparence d’un singe et plus précisément d’un langur à face noire. Il est souvent représenté avec une massue. Il est décrit comme assez fort pour soulever des montagnes, tuer des démons et rivaliser de vitesse avec Garuda, l’oiseau véhicule de Vishnu. Très populaire dans les villages de l’Inde, Hanumân est le gardien des propriétés et tout fondateur d’un nouveau village se devait d’ériger sa statue. Une caractéristique d’Hanumân est sa fidélité complète et permanente à Rama, son Maître spirituel. Sa vie entière, ses actions, ses jours et ses nuits sont consacrés à servir son Maître. En un mot, Hanumân est l’image du parfait disciple. Hanuman aide Râma à secourir son épouse Sîtâ qui a été kidnappée par Râvana, le roi de Lanka. Après la victoire, Rama voulut récompenser Hanumân. Celui-ci refusa, trop heureux d’avoir été le champion de l’amour et de la justice. Cette noblesse est aujourd’hui encore illustrée par le proverbe hindou: « les singes pleurent sur les autres, jamais sur eux-mêmes ».Les singes Hanuman sont respectés et protégés par les populations hindoues, malgré les nombreux saccages qu’ils commettent. Ils sont, après la vache et le serpent, les animaux les plus sacrés. Pendant la puja, Hanuman reçoit, tout comme Ganesh, des offrandes de fruits, de fleurs, de riz, d’eau et d’encens, en même temps que des « mantras » et des invocations.
● Shiva
Shiva, le dieu de la fin des temps, qui organise le monde et dont le troisième œil foudroie tout ce qu’il regarde, est représenté sous la forme abstraite d’un lingam, objet dressé et représentant le principe mâle de la création, associé au yoni, une dalle de pierre représentant l’organe féminin, la matrice du monde. Leur union représente, à l’image de Shiva, la totalité du monde, ce qui fait de Shiva le dieu par excellence. L’union du linga et du yoni représente ainsi l’Absolu qui se déploie dans le monde, prouvant qu’il surmonte l’antagonisme mâle-femelle ou spirituel-matériel. « Lingam » signifie « signe » en sanskrit. Le lingam en lui-même n’est pas vénéré, mais est adoré en tant que représentation, en tant que « signe » de Shiva.La tradition shivaite de l’hindouisme attribue cinq grandes fonctions à Shiva : il est le créateur, le préservateur, le transformateur, le dissimulateur et le révélateur (par la bénédiction). Le shivaïsme (vénération de Shiva) est l’une des plus influentes variantes de l’hindousime, avec la tradition vishnouite, centrée sur Vishnou, et la tradition shakta, centrée sur la déesse Shakti. Dans la puja, l’offrande à Shiva se déroule en plusieurs étapes. En premier lieu, le pujari (prêtre conduisant le puja) demande à la maîtresse de maison d’arroser le lingam d’eau afin de laver les pieds, les mains et la bouche de Shiva. Le lingam est ensuite baigné avec l’eau sacrée, comme celle en provenance du Gange, puis avec du lait, du yaourt, du miel, de l’huile et du sucre. Le lingam est alors habillé avec un tissu de soie, attaché par un bandeau et ceint de cordons sacrés. Il est encore oint de camphre et de pâte de santal et reçoit des offrandes de fleurs, de fruits, de sucreries, de grains de riz enduits de safran, d’encens, de riz au lait déposé sur une galette aux raisins. Tout au long de ces offrandes, on se prosterne devant la divinité. Le brahmane fait ensuite le sacrifice, qui consiste à brûler plusieurs morceaux de bois et à jeter sur le feu, aux instants exigés par la prière qu’il récite, des morceaux de riz cuit avec des morceaux de viande. La cérémonie s’est achevée par la préparation de bambous, parfumés et enduits de safran. Des fanions représentant les divinités honorées par la puja sont attachés sur les bambous qui sont plantés devant la maison pour signifier que celle-ci a accompli une puja en l’honneur des divinités.
● Hindouisme
L’hindouisme serait apparu 2000 ans avant Jésus-Christ. Sa beauté, sa haute philosophie, l’art qu’il a développé, les possibilités qu’il contient, … ne doivent pas s’arrêter aux apparences. Dans l’hindouisme, les statues et les oeuvres d’art ne sont pas créées dans un but artistique. Bien sûr, on y recherche la beauté, mais le but de cette beauté va au-delà de l’esthétique, de l’art pour l’art. Cette beauté doit déclencher, chez celui qui la contemple, la communion avec le divin. La méditation provoquée par la statue de la divinité doit conduire le fidèle à prier et à demander à Dieu sa force et sa lumière. La statue est objet de vénération pour les fidèles qui viennent lui offrir des fleurs, des grains de riz, des poudres de couleur, des bâtonnets d’encens. En offrant son amour et sa vénération à la divinité, le visiteur attend et espère que le dieu ou la déesse, en échange, lui accordera, par le seul regard, sa bénédiction et sa protection.